Le débat sur la portée des conclusions de la COP 28 a un caractère dérisoire, perçu par tous quelles que soient les déclarations : chacun refoule en effet ce jugement, les uns parce qu’ils veulent y croire malgré tout et qu’ils ont peur d’affaiblir encore des conclusions creuses mais arrachées de haute lutte, les autres parce qu’ils refusent de reconnaître qu’ils mènent en réalité un combat contre tout projet de protection du climat et n’ont cédé que sur les mots. L’engagement de « transitionner » hors des énergies fossiles mais « de manière juste, ordonnée et équitable » (c’est-à-dire lentement, chacun choisissant son propre rythme en fonction de ce qu’il considère comme ses propres intérêts) est certes pris dans une perspective forte (« afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ») mais sans calendrier ni engagements chiffrés. Même l’abondement du fonds « pertes et dommages » destiné à aider les pays en développement n’est pas obligatoire…Le pompon est sans doute que l’accord prévoit le stockage du carbone quand on en aura trop émis et classe le gaz non pas dans les énergies fossiles…mais dans « les énergies de transition ».
A vrai dire, tous les engagements des COP n’ont d’autre poids que celui des mots : ils n’ont (potentiellement) de force que s’ils prennent la forme d’un traité international (cela a été le cas pour Kyoto en 1997 et pour Paris en 2015) mais à condition d’être incorporés dans le droit interne des États et (c’est l’essentiel) que leur application soit prise au sérieux par les décideurs. Or le protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005, n’a pas été contraignant pour de gros pollueurs (États Unis et pays émergents comme la Chine) et l’accord de Paris qui en a pris le relais en 2016 est rédigé en termes trop généraux : certes, il prévoit un fonds d’investissement pour les pays pauvres financés par les pays développés et des mécanismes de fixation du prix du carbone (ces deux dispositifs ont été mal ou pas mis en œuvre) et fixe un objectif de limitation de l’augmentation de la température moyenne du monde « en-dessous de 2% » (la COP 26 fixera finalement la limite à 1,5 °) : mais il se contente de viser un pic des émissions « dès que possible » et laisse chaque pays fixer ses propres objectifs. Le bilan d’ensemble des contributions déposées par les États en octobre 2021 établi par le secrétariat de la CCNUCC (convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques) montre que le respect de ces intentions tendrait à baisser les émissions de GES de 2 % à horizon 2030 par rapport à 2019 alors que, pour limiter l’augmentation de température à 1,5 °, la diminution devrait être de 43 %. Aujourd’hui, la perspective est une augmentation des températures de 2,5 à 2,9 ° en 2100, ce qui est stricto sensu invivable et montre que l’accord de Paris n’a pas été respecté. Alors, à quoi sert de s’interroger sur le sens des conclusions de la COP 28 ? Seules les décisions compteront et pour l’instant, elles ne sont ni définies ni prises.