Le blog de l’Insee répond souvent à des questions compliquées avec des réponses sinon simples, du moins accessibles. La réponse ici est en deux étapes.
Première étape, le calcul du résultat de l’entreprise agricole, appelé RCAI, résultat courant avant impôt sur le revenu ou sur les sociétés, calculé par actif non salarié exploitant : vente de la production, déduction des consommations intermédiaires, paiement des loyers, des impôts de production et des frais de personnel ; l’on calcule également sur cette base le disponible, une fois remboursés les emprunts dus et les cotisations sociales personnelles de l’exploitant. C’est sur cette base que l’exploitant va se verser un revenu et finances ses investissements.
Deuxième étape, la prise en compte des revenus du ménage agricole qui peut comporter d’autres ressources que les ressources de l’exploitation.
Quelles sont les données dont on dispose au premier niveau (RCAI et disponible agricole) et au second, niveau de vie des ménages ?
Pour ce qui concerne le résultat de l’exploitation, le ministère produit des données sur le fondement d’un échantillon d’exploitations de taille et de production différentes, hors micro-exploitations dont la production est inférieure à un certain seuil (les exploitants des micro-exploitations ont le plus souvent une autre activité ou un autre revenu, comme une retraite agricole). En 2020, le RCAI moyen par exploitant est de 26 800 euros annuels et le disponible de 21 400 euros annuels. Cette moyenne n’est pas représentative, tant les écarts sont importants par types d’exploitation : le RCAI individuel des éleveurs de porcs est de 40 550 euros tandis que cette année-là il est de 14 000 pour les éleveurs de bovins.
La note de l’Insee indique également qu’il existe une grade variabilité selon les années. C’est très frappant : en 2022, le RCAI moyen par exploitant agricole est en forte progression (56 000 euros) avec une extension similaire des inégalités selon le type de production (de 124 000 pour les producteurs de porcs à 20 000 pour les éleveurs de moutons et de chèvre. En 2023, la chute des revenus est brutale : -39 % pour le RCAI par exploitant qui passe à 36 200 euros, avec des RCAI qui baissent parfois de 50 % dans certaines filières.
Quand on passe au niveau de vie des ménages qui déclarent des revenus agricoles (le niveau de vie étant le revenu disponible par personne), on note que, si on raisonne tous ménages confondus, le niveau de vie médian des ménages où un exploitant est présent est proche (légèrement supérieur, 22800) à celui de l’ensemble des ménages (22 400). La dispersion des niveaux de vie est cependant plus forte dans les ménages agricoles : le taux de pauvreté est plus élevé, 16,2 % contre une moyenne nationale de 14,4 % ; mais le 9e décile des exploitants agricoles a un niveau de vie plus élevé que le 9e décile de l’ensemble de la population.
S’agissant des exploitants agricoles, il ne faut donc pas raisonner sur des moyennes. Le taux de pauvreté des viticulteurs est nettement inférieur à la moyenne nationale (11,5%), celui des maraîchers atteint presque 25 %, 10 points au-dessus de la moyenne.
Par ailleurs, il serait utile de rappeler que dans le calcul de l’excédent brut d’exploitation et du RCAI, les aides de la PAC entrent en ligne de compte. Ces aides n’empêchent donc pas les disparités. En revanche, elles faussent sans doute la vision de la viabilité des exploitations : une étude de l’INRAE de 2021 portant sur l’année 2019 indiquait que les aides représentaient en moyenne 74 % du RCAI, 4 à 10 % pour les filières les moins aidées et plus de 100 % pour les bovins viande et les éleveurs de moutons. Avec la variabilité très forte des résultats c’est un autre signe de la vulnérabilité de certaines exploitations.
Combien gagne un agriculteur ? La réponse est claire : la question n’a pas de sens.