En France, les émissions de GES en 2024 ont baissé de 1,8 % : la faiblesse de cette baisse inquiète quant à l’atteinte des objectifs 2030 fixés au niveau européen, à savoir une baisse de 55 % par rapport aux émissions de 1990. Traditionnellement, dans l’ensemble des secteurs économiques concernés par l’effort à accomplir, le secteur des transports est à la traine : ainsi, les émissions du secteur routier ont baissé de 0,8 % en 2024, encore loin des trajectoires assignées.
Malgré la moindre attention politique accordée aujourd’hui à la réduction des GES, le Conseil d’analyse économique (CAE) publie, en ce mois de mars 2025, une étude sur la décarbonation du secteur routier de marchandises, en se plaçant au niveau français mais aussi européen. Il souligne d’abord l’importance de faire évoluer le secteur des transports, qui représente en Europe 29 % des émissions de GES (34 % en France), dont un peu moins d’un tiers pour le transport de marchandises. Dans ce dernier domaine, la part de la route est prépondérante (78 % dans l’UE, 87 % en France) et le coût environnemental est important : pollution de l’air, accidents, embouteillages, bruits, dommages aux écosystèmes…
Par ailleurs, si l’on peut rationaliser les flux, il ne faut guère s’attendre à leur réduction, pas du moins à leur réduction massive. En France, les émissions du secteur transport ont augmenté de 1990 à 2023. En Europe les projections de la Commission sur le transport de marchandises tablent sur une augmentation de 25 % entre 2015 et 2030. Il est possible d’espérer une optimisation des itinéraires, un regroupement des livraisons et une amélioration des camions qui réduirait leur consommation mais la diminution de celle-ci ne permettra en aucun cas d’atteindre les objectifs attendus si elle reste d’origine fossile.
Le message essentiel de la note du CAE est qu’il est préférable, dans un souci d’efficacité, de compter sur la réduction des émissions du transport routier en développant les camions équipés de batteries électriques plutôt que sur un report modal massif en faveur du rail. En ce domaine, les objectifs même limités (la France ambitionne d’augmenter la part du rail de 9 % en 2018 à 18 % en 2030) semblent aujourd’hui hors de portée : le rail n’est pas adapté aux besoins du transport de marchandises, les infrastructures sont vieillies, les voies sont saturées, il existe peu de plate-forme intermodales, indispensables au développement du fret et l’interopérabilité entre pays est mal assurée. Le rail n’est de plus compétitif que pour les marchandises lourdes et sur longue distance.
Le levier le plus efficace pour baisser les émissions du transport de marchandises est donc de développer les camions à batteries électriques, dont l’autonomie a augmenté, dont le coût a baissé et va continuer à baisser, même si des alternatives (hydrogène…) peuvent également être étudiées. Le rapport ne dissimule cependant pas les difficultés de ce choix : il augmente le coût d’achat des camions, la question des matières premières pour les batteries est préoccupante, le dispositif de recharges est à construire, surtout pour des puissances élevées, avec de forts besoins d’espace, et les investissements à consentir sont importants.
Les recommandations portent donc sur un effort pour contenir la demande et découpler les transports de la croissance, même si les effets en seront restreints ; sur une incitation à électrifier les camions avec modulation des coûts de péage en fonction des émissions de GES ; sur le recours aux subventions publiques pour accélérer la construction d’infrastructures de recharge, du moins dans la période de montée en charge ; sur le soutien de la production européenne de camions à batterie électrique face à la concurrence chinoise qui semble se développer, notamment par une aide à l’effort R&D ; sur l’amélioration de l’interopérabilité en Europe des transports ferroviaires et l’engagement des investissements nécessaires au développement du fret mais en les réservant à des « corridors ferroviaires » à fort trafic.