Urgences hospitalières, une urgence

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Urgences hospitalières, une urgence

Le service des études et statistiques de l’Insee dans le domaine sanitaire et social, la DREES, a publié récemment deux notes sur le fonctionnement des urgences hospitalières.

La première (décembre 2024) étudie l’évolution des passages aux urgences hospitalières de 2017 à 2023 : globalement, leur nombre a baissé après le COVID, passant de 22 millions en 2019 à 20,9 millions en 2023. Cependant, ces données nationales recouvrent une grande hétérogénéité des situations : un quart des départements ont vu la fréquentation des services d’urgences augmenter par rapport à l’avant crise sanitaire. Partout, l’activité est partout irrégulière, d’abord dans l’année (les hivers peuvent connaître, ou non, des périodes de forte fréquentation et certains départements connaissent des pics saisonniers), et ensuite selon les jours, avec des jours de haute et de basse activité (l’écart de fréquentation est en moyenne de 34 % et parfois bien davantage) : cette irrégularité rend difficile l’organisation et le fonctionnement des services. Les effets de la présence d’un SAS (service d’accès aux soins) par lequel passent les patients et qui les oriente, le cas échéant, vers d’autres solutions que les urgences, n’est pas probante partout : dans certains départements qui ont été prioritaires, dès 2021, pour la mise en place d’un SAS, la tendance à la hausse de la fréquentation des urgences s’est poursuivie, dans d’autres, une baisse a été constatée. La période a également été marquée par des décisions de « régulation des accès » aux urgences, autorisées depuis décembre 2023, avec un tri qui s’effectue par le SAS ou à l’arrivée des patients, ceux-ci pouvant être acceptés ou réorientés, voire des périodes de fermeture temporaire.

La seconde note de la DREES (mars 2025) traite des temps d’attente : en 2023, la moitié des patients passe plus de 3 heures aux urgences, 45 minutes de plus que 10 ans plus tôt. Encore est-ce une moyenne, les délais étant plus longs dans les grands services. Ce sont les nourrissons et les personnes âgées qui fréquentent le plus les urgences. Près de la moitié des patients sont venus sur le conseil d’un médecin ou par un véhicule de secours, 21 % à cause d’une difficulté d’accès aux soins de ville. 15 % ont été hospitalisés et 13 % (un quart des plus de 75 ans) ont été admis dans une unité hospitalière de courte durée (surveillance). Les enfants viennent surtout pour des raisons traumatiques et les personnes âgées surtout pour des altérations de l’état général. Pour les patients hospitalisés à la sortie des urgences, l’attente peut être plus longue : dans un cas sur 10, la recherche d’un lit prend au moins 6 heures.

Un rapport de la Cour des comptes de novembre 2024 (L’accueil et le traitement des urgences à l’hôpital) permet de mieux comprendre les dysfonctionnements ainsi révélés.

La Cour reconnaît que, malgré de très nombreux rapports d’analyse et de propositions et plusieurs plans censés améliorer le fonctionnement de ces structures (le dernier, Pacte de refondation des urgences, date de 2019), le constat est celui d’une saturation, la Cour insistant sur le fait que plus de 50 % des passages correspondent à des cas peu graves ou peu urgents. Les causes de cette situation sont l’insuffisance de personnels (en particulier la pénurie de médecins urgentistes) et une diminution de l’accessibilité des médecins libéraux sur une large partie du territoire, aggravée par le caractère facultatif de leur participation à la permanence des soins.

La Cour rappelle que la durée d’attente aux urgences est cause de morbidité et parfois de mortalité (telles les nuits passées aux urgences par des personnes âgées sur un brancard), en tout cas de multiplication d’évènements indésirables.

Quant aux mesures tendant à améliorer la situation, la Cour regrette la timidité de la réorganisation des soins de ville engagée depuis une dizaine d’année, délégation de compétences au personnel infirmier pour le suivi des maladies chroniques, embauche d’assistants médicaux censée augmenter le temps médical, création des maisons de santé, développement des centres de soins non programmés situés entre l’hôpital et la médecine de ville. Toutes ces mesures sont quantitativement très insuffisantes et l’on constate des faiblesses dans la coordination avec l’hôpital. Les communautés professionnelles territoriales de santé, créées en 2016 précisément pour coordonner entre ville et hôpital l’offre de soins non programmées, sont efficaces lorsqu’elles existent mais restent en nombre insuffisant., loin de l’objectif visé. Autrement dit, la panoplie des mesures existe mais il faudrait les développer considérablement pour qu’elles deviennent efficaces.

La Cour plaide aussi pour un accueil direct, sans passer par les urgences, des personnes âgées.

Par ailleurs, une amélioration de l’accès aux soins de ville ne permettrait pas d’atténuer les difficultés rencontrées en sortie des urgences quand il faut hospitaliser la personne : la Cour reconnaît que, dans certains cas, il faut créer des lits d’aval et, partout, organiser une régulation territoriale des lits (affichage de la disponibilité), prévue mais mal appliquée.

Comme souvent, les politiques annoncées à grand son de trompe pourraient effectivement améliorer la situation, si elles étaient pleinement appliquées. En l’occurrence, les médecins de ville tendent plutôt à les freiner. La faiblesse et le turn-over des ministres en charge de la santé font le reste. L’hôpital souffre et, pour les Français, l’accès aux soins est mal garanti alors que l’on sait ce qu’il faudrait faire.