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Formation des enseignants : rester vigilants sur la qualité

Le 28 mars dernier, le Premier ministre annonçait qu’il reprenait la réforme présentée en 2024, avant la dissolution, par N. Belloubet, alors ministre de l’Éducation nationale, consistant à positionner les concours de recrutement d’enseignants (premier et deuxième degré) non plus à bac + 5, mais à la fin de la licence, à bac + 3, sachant que la formation organisée ensuite sera rémunérée et amènera les lauréats à un master professionnalisant obtenu au sein des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’Éducation. Le décret du 19 avril 2025 organisant la réforme (qui lève les interrogations qui ne l’avaient pas été en 2024 concernant le statut des lauréats et leur rémunération) a rapidement suivi. En 2026, de premiers concours seront organisés pour les étudiants ayant obtenu leur licence, dont les lauréats seront élèves fonctionnaires, avec une rémunération à 1400 euros, contre un engagement d’exercer le métier d’enseignant pendant au minimum 4 ans.  Une autre mesure, la création d’une licence spécifique de préparation au professorat des écoles, sera également mise en place à la rentrée 2026.

Sur le principe, l’on ne peut que se féliciter de cette réforme, bien longue à venir. Rappelons les errements de l’organisation de la formation des enseignants depuis la décision de 2008 de porter leur recrutement au niveau du master tout en supprimant toute formation initiale, un des choix tordus de l’époque où l’on soutenait avec ferveur la nécessité de professionnaliser les concours de fonctionnaires tout en ne prévoyant, pour les enseignants, qu’une formation à dominante académique. Sous le quinquennat Hollande, la loi du 8 juillet 2013 a rétabli la formation initiale au métier d’enseignant. La loi situait alors le concours de recrutement en fin de première année de master avant une année de formation en alternance permettant d’obtenir ce diplôme puis d’exercer.

En 2018, un référé de la Cour des comptes sur les écoles accueillant ces futurs enseignants jugeait que cette année de formation était à la fois trop tardive et surchargée. Le recul du concours était de plus critiqué par ceux qui s’inquiétaient de la baisse des candidatures (il ne peut qu’avoir des effets d’assèchement du vivier), même si la rémunération et parfois la pénibilité des conditions d’exercice sont les principaux facteurs qui nuisent à l’attractivité du métier.

La Cour propose donc dès 2018 d’avancer le recrutement et d’étendre la formation à 2 ans. Or, peut-être pour des raisons financières ou par fidélité à la période sarkozyste (le ministre d’alors, J-M Blanquer, en était nostalgique) la réforme décidée en 2021, à la fin du premier quinquennat Macron, a reporté au contraire le concours d’un an, après l’obtention du master, avec une affectation directe des lauréats en poste, dans certains cas à mi-temps il est vrai pour leur laisser un peu de temps pour se former. L’on en est donc largement revenu à la situation de 2008. Le bilan tiré en 2023 sera sombre : le métier n’est plus attractif pour un jeune qui a besoin de gagner sa vie rapidement et, même si le master se veut professionnalisant, la formation est raccourcie.

L’on comprend donc pleinement le sens de la réforme menée aujourd’hui : le recrutement est avancé, le temps de formation allongé, avec un statut plus favorable, sans que l’on renonce au niveau master des enseignants. Le SNES, il est vrai, s’inquiète d’une éventuelle baisse du niveau de connaissances académiques des enseignants du second degré et craint qu’un recrutement précoce soit insuffisamment exigeant.

Les vraies interrogations sont sans doute ailleurs : seul le cadre d’organisation des recrutements est pour l’instant posé. Les épreuves des concours et le contenu de la formation ultérieure ne sont encore qu’esquissés et la teneur des modules de préparation proposés dans le courant de la licence n’est pas encore connue. Or, ce sont ces mesures qui permettront, ou pas, une formation académique et surtout professionnelle de qualité. L’insuffisance de la formation est pourtant une des plaintes récurrentes des enseignants : selon l’enquête Talis 2018 (la dernière connue), les enseignants déclarent très majoritairement être mal préparés pour répondre aux besoins particuliers de leurs élèves. En 2022, dans son bilan de la campagne d’évaluation des établissements scolaires, le Conseil d’orientation de l’école notait : « Ce qui frappe, c’est que les besoins en formation portent principalement sur des fondamentaux du métier d’enseignant (hétérogénéité du public et différenciation, pratiques évaluatives, numérique éducatif, pratiques collaboratives), ce qui pose la question du contenu de la formation initiale et de la représentation qu’ont les (futurs) enseignants de leur métier, au-delà des contenus disciplinaires qu’ils doivent maîtriser ». La réforme sera l’occasion ou jamais de répondre à ces besoins, ce qui peut contribuer à une meilleure valorisation du métier.