L’institut IPSOS, le Nouvel-Observateur et la fondation Jean Jaurès ont réalisé une étude qualitative avec deux groupes de gauche, d’un côté des sympathisants socialistes, de l’autre des sympathisants de LFI. Ces groupes ont été sollicités pour parler de l’état du pays, de la situation politique, de l’état de la gauche et de leur perception de l’avenir. Les analyses qu’en a tirées d’un côté Antoine Bristielle et de l’autre Dorian Dreuil montrent un pessimisme certain mais surtout ne dégagent aucune orientation crédible pour l’avenir.
Que disent les socialistes ? Que la France est en déclin, en décadence, voire en péril, sans repères. Le pays est en recul, les inégalités croissent, les services publics se dégradent et le modèle français est en voie de disparition. La vie politique est déconnectée du pays réel, soit populiste soit dépourvue de vision et de projets. E. Macron est honni, pour son mépris de classe, son mode de gouvernance, son indifférence aux enjeux climatiques. Le souhait porte, de manière assez attendue, sur une plus grande association du peuple aux décisions et la fin des pratiques du présidentialisme actuel.
Les socialistes décrivent la gauche comme mourante et en perdition. La gauche a peur, elle ne défend pas ses idées sur les sujets difficiles comme la laïcité ou l’immigration. LFI est vue comme dynamique, courageuse, incontournable mais outrancière, voire dangereuse. Une partie des socialistes souhaite l’union avec elle tout en soulignant des désaccords, une autre insiste davantage sur les divergences idéologiques ou le blocage lié à la personnalité de J-L Mélanchon. Quant au Parti socialiste, de l’aveu même des sympathisants, il n’existe pas, il est flou, timoré. Les écologistes suscitent l’adhésion mais leurs poids est jugé faible.
L’avenir n’est manifestement pas maîtrisé : interrogation sur une union de la gauche sans LFI, interrogation sur une primaire pour choisir le candidat… La gauche sait qu’il lui faudra parler immigration, éducation, santé écologie…Elle sait qu’on l’attend sur un projet mais ne semble pas trop savoir comment le construire. Il existe une attente chez les sympathisants, mais pas d’orientation politique précise, ils semblent perdus.
Que disent les sympathisants de LFI ? Sur la situation de la France, la même chose mais en plus vigoureux, en plus politisé et en suggérant davantage de solutions. La France est dans une situation catastrophique liée aux excès d’ultralibéralisme, à la baisse du syndicalisme, aux difficultés de mobiliser la société, avec un espoir toutefois en l’action locale. Les Injustices sociales devraient conduire à agir sur la fiscalité des riches, à mieux partager les richesses. Mais il faudrait avant tout changer les institutions, la Constitution, le système politique. La démocratie ne fonctionne pas bien, le régime serait une monarchie présidentielle. La limitation des pouvoirs du Président et la participation citoyenne devraient permettre de rétablir la démocratie.
Quant à la gauche, les sympathisants LFI la voient désunie, en imputant plutôt la faute aux dirigeants qu’à la base. Elle devient un escargot, une taupe, un animal lent et myope. Les divergences idéologiques sont reconnues : LFI est la vraie gauche, les autres plus ou moins des centristes. L’union peut malgré tout se faire, car, après tout, la gauche obéirait à sa tradition, être plurielle, unie sans totalement se réconcilier : pas besoin d’être d’accord sur tout. Cependant, aucun leader ne fait consensus, même pas J-L Mélanchon. Mais au fond, pour 2027, le cap n’est pas clair.
Que dire ? A la lecture des analyses, on a le sentiment que la gauche est perdue. Le PS sait qu’il ne fait pas le poids, il se lamente et n’a plus d’épaisseur. Les sympathisants de LFI débitent leur programme (c’est mieux que de simplement se lamenter), avec davantage d’énergie même s’ils le font sans recul. Ils ne sont pas lucides sur le rejet dont ils font l’objet, sur la difficulté de leur programme et au fond ils n’ont pas non plus de cap. L’analyse des uns et des autres est étonnamment pauvre, presque banale, et l’avenir est flou, sans stratégie politique crédible. Et pourtant, tous reconnaissent que le pays s’enfonce, perd ses valeurs et son identité, avec une extrême-droite qui monte et des thèmes sur lesquels il faudrait bien se battre, sans que l’on dépasse le souhait. Tristes partis…
Pergama, 23 juin 2025