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PFAS, la course de lenteur des pouvoirs publics

En juin 2025, l’ONG environnementale Générations futures montrait que la contamination par les PFAS (« les polluants éternels ») de certains aliments vendus en Europe était très fréquente, dépassant parfois largement les seuils de risques établis par les autorités sanitaires, et cela alors que seuls 4 composés PFAS sont encadrés et que seuls certains aliments sont contrôlés.

Comme tous les dossiers de sécurité sanitaire, le dossier des PFAS a un côté désespérant.

Les PFAS (substances perfluoroalkydées et polyfluoroalkydées) sont des substances produites par la chimie qui est parvenue à unir fluor et carbone pour fabriquer un produit imperméabilisant, antiadhésif, capable de résister à la chaleur et extrêmement solide. Ce produit est utilisé dans les textiles, les peintures et revêtements, les cosmétiques, les emballages alimentaires, les instruments de cuisine, les fils électriques et certains dispositifs médicaux…Deux composés parmi les plus répandus (PFOA et le PFOS) ont été classés respectivement cancérigène et « peut-être cancérigène » par le Centre international de recherche contre le cancer. Pour autant, les PFAS dans leur ensemble sont soupçonnés d’augmenter le taux de cholestérol, de favoriser l’obésité et les maladies cardiovasculaires, de réduire la fertilité, de créer des lésions au foie et aux reins et d’affaiblir les réponses immunitaires…Le problème est que les PFAS ne se dégradent pas dans l’environnement et qu’ils sont désormais partout, dans les sols et dans l’eau et dans la chaine alimentaire : ils s’accumulent dans les organismes, avec des effets que l’on pressent très nocifs pour les plus vulnérables, enfants notamment.

Les textes qui encadrent les PFAS existent mais restent partiels.

Le règlement européen POP sur les polluants organiques persistants a interdit le PFOS et le PFOA en 2009 et 2020. Puis, en 2022 un autre PFAS, le PFHxS, a été également interdit et enfin un autre encore, le PFHxA, en 2024, avec application en 2026, 2027 ou 2029 selon le cas et seulement pour certaines utilisations (papiers, vêtements, cosmétiques et mousses anti-feux).

Un règlement européen sur les emballages de décembre 2024 interdit les PFAS dans les emballages alimentaires à partir d’août 2026.

Une directive européenne de 2020, relative à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine, rend les contrôles de l’eau du robinet et des eaux de boisson obligatoires, avec institution de seuils. L’intégration de 20 PFAS dans le contrôle des eaux est de ce fait obligatoire en France à compter de 2026, mais fortement conseillée par les instructions dès mi- 2025. Au niveau de l’alimentation, des seuils sont définis pour les quatre FPAS considérés comme les plus dangereux (PFOS, PFOA, PFNA et PFHxS).

Par ailleurs, la loi française du 27 février 2025 prévoit l’interdiction progressive de certains produits contenant des PFAS au 1ᵉʳ janvier 2026. Sont concernés les cosmétiques, les farts de skis, les vêtements et chaussures hors vêtements professionnels. La loi oblige les autorités sanitaires à rechercher les PFAS dans les eaux au-delà de la liste des 20 PFAS prévue par l’Europe.

On le voit, l’on est engagé aujourd’hui dans une séquence connue et répétitive : la science progresse, elle a des convictions et alerte sur les risques mais, arguant des incertitudes scientifiques, soumise aux pressions des lobbies, les institutions en charge de protéger la population engagent une course de lenteurs. Le dossier devient technique, les interdictions sont partielles, avec des exceptions dans tous les sens et les dates d’application des mesures d’encadrement sont lointaines.

Les alertes pourtant s’enchainent : saisi par la Direction générale de la santé début 2024 sur la gestion des risques liés à la présence de PFAS dans les eaux de consommation humaine, le Haut-Conseil de santé publique a publié ses recommandations en juillet 2024. Il recommande de fournir à la population une « information compréhensible et objective » sur les risques présentés, qu’il s’agisse de la présence des PFAS dans l’eau ou de tout autre source de contamination ; d’informer le public des seuils en vigueur et d’informer la population des territoires « prioritaires » où les données sont alarmantes ; dans l’attente des résultats du travail engagé par l’ANSES sur les seuils de risque, de diviser par 5 le seuil considéré comme acceptable pour 4 PFAS, les plus répandus.

S’agissant de l’alimentation, l’ONG Générations futures a simplement demandé les résultats des analyses officielles sur les produits suivis dans divers pays européens. 69 % des poissons, 39 % des œufs et 14 % des viandes sont contaminés. Ce sont dans les poissons et les abats que le taux de présence dépasse le plus souvent les seuils, dont, au demeurant, l’ONG conteste le niveau. Générations futures insiste pour revoir les limites réglementaires, surveiller davantage de produits et prendre en compte davantage de PFAS, notamment ceux dont on suspecte la nocivité.

Pourtant, il existerait des solutions : depuis janvier 2023, 5 pays européens ont demandé à l’Agence européenne des produits chimiques d’étudier l’interdiction de la fabrication, de la vente, de l’utilisation des PFAS. L’étude se perd en discussions avec les lobbies industriels sur les secteurs où le remplacement des PFAS est possible et sur ceux à la fois « essentiels » et où il n’existerait pas de substitut. Un ensemble de scientifiques expliquait, dans une tribune du Monde du 17 janvier dernier, que les solutions de remplacement existaient déjà dans de très nombreux secteurs. Ils proposaient d’interdire vite tout ce qui pouvait l’être et de travailler à chercher des solutions pour le solde. Il n’y a guère besoin d’être devin pour savoir que tout ceci va durer encore un bon moment.