L’Insee a publié en septembre 2025 (Insee-Analyses, n° 112) une étude sur l’évolution de l’impôt sur les sociétés (IS) entre 2016 et 2022, période au cours de laquelle a été mise en œuvre une baisse du taux de l’impôt. Il en ressort deux constats très instructifs : d’une part, la comparaison entre le taux « normal » (affiché) et le taux « implicite » (réel) de l’IS montre que la baisse effective de l’IS a été, pour l’ensemble des entreprises, plus faible qu’annoncé ; d’autre part, si l’on s’en tient au taux implicite, les PME supportent un taux plus lourd que les grosses entreprises.
Que dit l’Insee ? Dans le cadre de la politique de l’offre, le taux normal de l’impôt sur les sociétés, qui porte sur le bénéfice de l’entreprise, a été progressivement abaissé, à partir de 2017, de 33,3 % à 25 % entre 2016 et 2022 : il s’est ainsi rapproché de la moyenne en vigueur dans les pays de l’OCDE, soit 21,1 %.
Mais ce taux dit « normal » (ou taux affiché) ne permet pas de mesurer la situation effective : en effet, en dessous d’un certain montant de chiffres d’affaires (10 millions), les petites entreprises bénéficient, à condition d’être détenues à 75 % par des personnes physiques, d’un taux réduit sur une part de leur bénéfice. Par ailleurs, la base fiscale sur laquelle porte le taux peut être affectée par le report de déficits antérieurs ou par la déductibilité de certaines charges et, enfin, des crédits d’impôt peuvent venir en déduction du montant de l’impôt dû.
Plutôt que le taux affiché (25 % en 2022) ou que le taux fiscal constaté (rapport impôt acquitté / bénéfice au sens fiscal, soit 21,7% en 2022), l’Insee choisit de calculer le taux implicite (rapport impôt acquitté/excédent net d’exploitation des entreprises) : l’excédent brut d’exploitation (qui correspond à la différence entre le chiffre d’affaires et les charges, consommations intermédiaires, coûts salariaux, usure du capital) mesure en effet de manière exacte le profit que les entreprises tirent de leur activité, en éliminant les variations conjoncturelles de la base fiscale. C’est un meilleur outil de mesure que l’assiette fiscale.
En 2016, le taux implicite de l’IS était de 20,7 % (hors armateurs, secteurs agricole et financier). Il est passé à 17,5 % en 2022.
Il est à noter que la baisse du taux implicite de 2016 à 2022 (-15 %) est inférieure à celle du taux affiché (-25 %) ou à celle du taux fiscal (-23 %). Le taux implicite moyen de 17,5 % recouvre en effet de fortes différences entre les entreprises : la baisse de l’impôt a été moins forte pour les petites entreprises qui bénéficient d’un taux réduit sur une part de leur bénéfice, taux qui est resté inchangé. Mais pour l’essentiel, la différence entre les deux baisses tient au fait que le bénéfice fiscal a enregistré un dynamisme spécifique lié à des résultats exceptionnels ou financiers que l’ENE ne prend pas en compte, précisément parce qu’ils sont volatiles et exceptionnels.
En définitive, le taux implicite des PME s’établit en 2022 à 21,4 % hors microentreprises et celui des grandes entreprises à 14,3 %. La réforme, qui n’a baissé que le taux normal et pas le taux réduit, a essentiellement bénéficié aux grandes entreprises. Mais l’évolution n’a pas été uniforme : si l’on passe au taux fiscal, en 2019 et en 2021, les grandes entreprises ont connu de bons résultats financiers et leur assiette fiscale a fortement augmenté.
Que retenir de cette analyse ?
D’une part une grande prudence sur les comparaisons formelles des taux d’imposition entre pays, les systèmes fiscaux obéissant à des règles complexes avec des avantages ou des pénalisations pour certaines entreprises qu’une approche trop générale ne permet pas d’appréhender. Ensuite la nécessité d’une meilleure compréhension des effets d’une réforme : ceux-ci n’ont sans doute pas échappé aux spécialistes du ministère des finances mais davantage aux parlementaires ou à l’opinion. Enfin, l’appréciation de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises qui réalisent plus de 1 Mds de chiffre d’affaires, instituée par la loi de finances 2025 et payable en 2026, change quelque peu au regard de l’analyse de l’Insee sur les bénéficiaires de la baisse de l’IS : jusqu’ici, ces entreprises ont largement bénéficié de l’évolution de leurs impôts.