Le Ministère de l’Éducation nationale a fait paraître, en octobre 2025 (notes d’information 25-54 et 25-55), les premiers résultats de l’enquête internationale Talis 2024 (Teaching and learning international survey). Réalisée sous l’égide de l’OCDE auprès des enseignants et des chefs d’établissement, l’enquête leur pose des questions sur leur métier, leurs préoccupations, leur développement professionnel. Les enseignants y évoquent leurs pratiques pédagogiques et leurs relations avec leurs collègues.
La première note (25-54) traite des conditions d’exercice du métier d’enseignant, la deuxième (25-55) des pratiques pédagogiques, l’intérêt de l’enquête étant de comparer la situation en France à celle des autres pays participants. L’enquête porte sur le collège (en l’occurrence le panel de comparaison est composé de 22 pays européens) et sur l’école élémentaire (panel de comparaison composé de 7 pays de l’OCDE, dont 3 européens).
Le message essentiel est que, s’agissant des conditions d’exercice de leur métier, les enseignants français sont beaucoup plus mécontents que leurs collègues étrangers. Pour ce qui concerne les pratiques pédagogiques, de nettes différences séparent encore la France des autres pays mais, par rapport aux enquêtes Talis précédentes, l’écart se réduit.
S’agissant des conditions d’exercice et de la perception du métier d’enseignant en France par rapport aux pays de comparaison, on peut distinguer d’abord les similitudes : les enseignants français sont tout aussi heureux d’exercer leur métier qu’ailleurs – ils le sont à 90 %, moins (79 %) à être globalement satisfaits de leur travail ; le temps de travail est comparable au collège, de même que le sentiment de stress ; ensuite les domaines dans lesquels la différence continue à exister mais devient moins prononcée (ainsi le sentiment que le métier a un impact sur la santé, sachant que la demande est forte en France, surtout au collège, d’une pause plus importante entre les réformes) ; enfin les domaines dans lesquels la France s’écarte nettement de la moyenne : perception de difficultés plus fortes (la proportion d’élèves jugés en difficulté est plus élevée en France avec, au collège, davantage de mentions de difficultés de comportement et de compréhension) ; surtout, sentiment de faible reconnaissance des décideurs, des médias et des familles (sauf, pour ces dernières, en école élémentaire), 4 % seulement des enseignants jugeant que la société valorise leur travail ; très faible satisfaction enfin sur les conditions d’exercice : le mécontentement sur la rémunération est fort (surtout en milieu de carrière) et c’est aussi le cas sur la formation. Un enseignant de collège sur deux et six enseignants d’école élémentaire sur dix jugent leur formation initiale de faible qualité et une proportion un peu plus forte encore pense que l’offre de formation continue n’est pas pertinente.
S’agissant des pratiques pédagogiques, la France recourt, comme les autres pays, à ce que l’on appelle la pédagogie explicite (fixation d’objectifs préalables à la leçon) et à la mesure des acquis. Elle recourt moins que les autres pays aux pratiques qui stimulent la participation de l’élève : activation cognitive et appel à l’esprit critique (écart de 14 à 15 points avec la moyenne des autres pays, en réduction cependant par rapport à la précédente enquête Talis de 2018), activités de répétition et d’entrainement (l’écart avec les autres pays se réduit nettement à l’école élémentaire, moins au collège), évaluation formative (en cours d’exercice), pratiquée cependant largement à l’école élémentaire, moins au collège, ou auto-évaluation. Alors que les enseignants français signalent davantage d’élèves en difficulté, la proportion d’enseignants se déclarant capables (beaucoup ou assez) de réduire les écarts entre élèves et de motiver ceux qui le sont peu est une des plus faibles. En revanche, les enseignants français sont très minoritaires à penser que l’intelligence ne peut pas progresser, ils sont sensibles aux besoins spécifiques des élèves et s’efforcent d’y répondre (la proportion de ceux qui ont suivi une formation sur ce point reste moindre que celle des autres pays mais progresse nettement).
Quant au recours aux usages numériques, il reste peu développé : la formation initiale aide peu les enseignants en ce domaine. 4 enseignants sur 10 pensent que ce recours aide l’apprentissage mais cette proportion est une des plus basses d’Europe. Quant aux pratiques coopératives entre collègues, elles existent mais, si les enseignants s’entraident, c’est sur le plan matériel (échange de cours, services), bien plus rarement sur le plan pédagogique (observation des cours, cours à plusieurs).
La France a manifestement encore de grands progrès à faire, surtout sur le statut et la formation (initiale et continue) des enseignants.