Démographie et finances publiques: inquiétudes et solutions

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Démographie et finances publiques: inquiétudes et solutions

La Cour des comptes a étudié, dans un rapport Démographie et finances publiques, les effets des évolutions démographiques actuelles et futures sur les finances publiques, esquissant de ce fait les solutions possibles.

 Le constat sur les projections mérite quelques explications. L’Insee établit régulièrement des projections démographiques de long terme (2070) sur le fondement de diverses hypothèses, tendanciel de la fécondité, évolution de l’espérance de vie et du solde migratoire entre les entrées et les sorties des résidents.

En 2024, le taux de fécondité est en France de 1,62 enfants par femme : la dégringolade est forte depuis le taux de 2,02 atteint en 2010. Les effets de ce taux, conjoncturel par construction, seront certes lents à se propager sur les descendances finales par génération (la génération 1978, qui va achever sa vie féconde, a une descendance finale supérieure à 2 enfants par femme) mais la baisse, si elle dure, voire s’amplifie, aura des conséquences cumulatives.

Or, les projections démographiques de l’Insee construites en 2021 reposaient sur une hypothèse de stabilisation de la fécondité à 1,8 enfant /femme (en 2020, le taux était encore de 1,81), sur le prolongement des tendances constatées dans la décennie 2010 en matière d’espérance de vie et sur un solde migratoire arrêté à 70 000, sur le fondement de données constatées depuis 2000. En 2025, constatant que ces hypothèses n’étaient pas les bonnes, l’INED a modifié les calculs : fécondité à 1,62, solde migratoire augmenté à 152 000 en référence aux données récentes et progression plus modérée des progrès d’espérance de vie, dont les démographes constatent qu’après avoir beaucoup augmenté, ils s’essoufflent aujourd’hui, faute de progrès médicaux comparables à ceux des décennies précédentes. Dans la projection actualisée de l’INED en 2025, l’augmentation du solde migratoire et la moindre progression de l’espérance de vie compensent la moindre fécondité. La population devrait continuer de croître jusqu’au milieu des années 2040 mais cette projection dépend du solde migratoire. L’on constate que les projections démographiques sont un domaine d’expertise mais sont toujours plus fragiles qu’on ne le croit…Désormais, le scénario actualisé prévoit que le solde naturel (excédent des naissances sur les décès) deviendra négatif en 2027 mais les démographes aujourd’hui pensent que cette date sera, en réalité, plus proche…

Dans ces projections, le vieillissement de la population est une évidence : celui-ci est inéluctable, de par l’arrivée à la vieillesse des nombreuses générations du baby-boom (1946-1970) et une natalité moindre qu’auparavant. Il est peu probable que la baisse de la natalité puisse être infléchie, même si, à la fin, le rapport envisage d’améliorer les aides à la conciliation entre travail et maternité (modes de garde) qui semblent plus efficaces que les aides monétaires.

La démographie a des effets sur la croissance, de par la diminution des populations d’âge actif, peut-être du fait de la diminution de la productivité par tête, sans doute aussi des comportements d’épargne. Les conclusions du rapport ne sont pas nécessairement pessimistes : ce qui compte pour la croissance, c’est moins la population en âge de travailler que le taux d’emploi. Celui de la France (68,8 %) est encore trop faible par rapport à celui de la zone euro (70 %), a fortiori par rapport à celui de pays nordiques où il est supérieur à 75 %. Mais ce taux d’emploi a progressé dans les années récentes et dans toutes les tranches d’âge, y compris les seniors et les jeunes où il était particulièrement faible. Il est donc primordial de veiller à son augmentation : il faut que les catégories qui veulent travailler le puissent effectivement.

Pour ce qui est de la productivité, les études sont incertaines : elle augmenterait jusqu’à 40 ans et baisserait après 49 ans ou se stabiliserait à un certain âge. Son évolution dépendrait fortement des tâches et des secteurs…Le constat plaide en tout cas pour un accès à la formation professionnelle tout au long de la vie et le refus de l’exclusion des seniors en ce domaine. De même, le vieillissement doit s’accompagner de recours accru à la robotisation ou aux innovations technologiques, sachant toutefois que ce recours nécessite des investissements et profite surtout aux travailleurs qualifiés.

Quant aux comportements d’épargne, ils peuvent être nocifs à la croissance s’ils tendent à limiter la consommation et s’orientent vers des placements sans risque, sachant que le grand-âge est marqué par un comportement de désépargne. Mais les transferts générationnels brouillent quelque peu les conclusions.

Les impacts du vieillissement sur les finances publiques sont bien ceux auxquels on peut s’attendre : pour ce qui est des recettes publiques, ce sont surtout les cotisations sociales qui baissent avec le vieillissement, la part des impôts augmentant à l’inverse quelque peu mais sans pouvoir compenser les recettes sociales. En ce qui concerne les dépenses, 40 % des dépenses publiques sont sensibles au vieillissement (santé, retraites, dépendance), le poids des dépenses sensibles à la natalité (aides aux familles et dépenses d’éducation), qui peuvent être source d’économies, étant bien plus faible. Inévitablement, va se créer un déséquilibre entre recettes et dépenses. Différentes hypothèses peuvent l’amplifier ou le diminuer, notamment le maintien, la réduction ou l’augmentation des dépenses publiques par personne âgée : les dépenses de santé, de retraite et de dépendance sont bien évidemment les principales concernées.

Que conclut le rapport ? D’abord qu’il faut mieux connaître le lien entre vieillissement et dépenses publiques (c’est le cas dans le domaine de la santé) pour agir sur les leviers nécessaires à une meilleure maîtrise (on peut penser au recours aux infirmiers pour la prise en charge). II en est de même pour les services aux grands-âges. Sur le plan social et économique, il faut anticiper ce vieillissement, qui est connu mais pèse en réalité peu sur les décisions, volonté d’améliorer l’emploi et la qualité de l’emploi des seniors, impératif d’améliorer la productivité du travail et donc la qualification de la population, souci de réorienter l’immigration vers une immigration plus qualifiée et, de ce fait, davantage porteuse de croissance, participation accrue des retraités aux dépenses sociales, voire effort pour augmenter le taux d’activité et d’emploi de 60 à 70 ans : la vieillesse aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était, au moins pour certaines professions, et il faudrait que ce constat soit davantage reconnu, même si la situation est différente selon les professions. En définitive, le rapport est à la fois objectivement alarmiste et pourtant de tonalité sereine : pourtant, les politiques publiques ne parviennent que très rarement à anticiper les risques…