Qualité de l’air : élaborer une vraie politique

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Qualité de l’air : élaborer une vraie politique

La nouvelle directive européenne « concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe » a été publiée en novembre dernier. Inscrite dans l’objectif « zéro pollution en 2050 », elle durcit les normes (elle se rapproche quelque peu de celles de l’OMS, plus contraignantes, dont la précédente directive restait éloignée), sachant que ses obligations valent à horizon 2030 (date reportable à 2040 à certaines conditions). La directive fixe de nouveaux seuils à ne pas dépasser pour certains polluants, notamment dioxyde d’azote et de soufre et particules fines ; elle instaure des points de prélèvement plus nombreux ; les États défaillants étaient déjà tenus de rédiger des plans pour la qualité de l’air dans les zones qui ne respectaient pas les normes. La nouvelle directive instaure une « feuille de route » dans laquelle les États préciseront les mesures qu’ils prendront pour respecter les nouvelles normes en 2030. Les États ont jusqu’à juin 2026 pour transposer la directive.

La France est, en ce domaine, hors des clous et depuis longtemps.

En 2013, la Commission a mis en demeure la France d’adopter des mesures tendant à respecter les normes de la directive de 2008. En 2015 elle a envoyé à la France un « avis motivé » lui donnant deux mois pour réagir, menaçant alors de saisir, sinon, la Cour de justice de l’Union. En 2017, le Conseil d’État, saisi par une association, a enjoint le gouvernement de prendre des mesures rapides pour faire descendre, sur l’ensemble du territoire national, la concentration de l’air en dioxyde d’azote et particules fines en dessous des valeurs limites de la directive européenne : le Conseil relève que les normes ont été dépassées en 2015, pour le dioxyde d’azote et pour les particules fines, dans respectivement 12 et 3 des 16 zones de surveillance de la qualité de l’air. Le Conseil d’État soulignait alors que, en vertu d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union, la directive de 2008 imposait une obligation de résultats. Le gouvernement devait donc établir et transmettre à la Commission, avant le 31 mars 2018, pour chacune des zones concernées, un plan permettant d’atteindre les objectifs fixés.

En octobre 2018, la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l’Union et, en 2019, la France a été condamnée par la Cour, qui reconnaît qu’elle a fait quelques efforts mais que les seuils restent dépassés.

En 2020, le Conseil d’État, constatant que ce dépassement perdurait dans un nombre important de zones, a condamné l’État à une astreinte de 10 millions par semestre s’il ne tenait pas ses engagements dans les 6 mois, condamnation poursuivie et confirmée sur 2022. En 2023, compte tenu des améliorations constatées, les amendes ont été divisées par 2.

Toutefois, en février 2024, la Commission a envoyé à nouveau à la France une mise en demeure de respecter la décision de la Cour de 2019, la menaçant de saisir à nouveau celle-ci pour qu’elle prononce des sanctions financières : les valeurs limites annuelles de dioxyde d’azote sont régulièrement dépassées dans 4 zones urbaines de mesure, Paris, Lyon, Strasbourg et Marseille.

La situation révèle des points positifs : le rapport 2023 sur la qualité de l’air du Ministère de l’environnement montre que les concentrations annuelles de la plupart des polluants, y compris les particules fines et le dioxyde d’azote, ont nettement baissé depuis 2000. Reste que les normes actuelles ne sont respectées que par 86 % des agglomérations en France pour les particules fines et par 78 % d’entre elles pour le dioxyde d’azote. Les résultats sont moins bons pour l’ozone (74 %). Enfin, Il y a eu en 2023 3 épisodes de pollution forte aux particules fines au niveau national, mais bien davantage aux Antilles et en Guyane. Il semble bien que les plans élaborés soient de qualité et d’ambition insuffisantes.

La France n’est pas la seule : en 2022, la majorité des États membres dépassaient les normes pour au moins un polluant.

Les conséquences sont lourdes pour la santé (un rapport de l’Agence européenne de l’environnement de 2023 chiffre le nombre de décès prématurés en Europe à 240 000 par an) même si les décès dus à la pollution sont en baisse. En France, Santé-publique France évoque le chiffre de 40 000. Les polluants ont également des conséquences très néfastes sur l’environnement.

En fait, jusqu’ici, des progrès techniques ont permis de réduire la pollution de l’air mais les progrès viendront désormais du changement de comportements, modification des modes de chauffage et réduction de la circulation automobile, responsables d’une grande part de la pollution de l’air en France. Les transports automobiles expliquent les grandes disparités territoriales en ce domaine, certaines zones autoroutières étant sur exposées. Il y a quelques années, les « Zones à faible émissions » dans les centres villes étaient au cœur des projets en faveur de la qualité de l’air : aujourd’hui l’engouement est retombé. Les seules ZFE obligatoires, celles de Paris et de Lyon, prévoient des dérogations et les contrôles sont rares. Quant à la pollution le long des autoroutes, elle sera bien difficile à limiter…Plutôt que d’élaborer des plans locaux, la France devrait élaborer des politiques nationales d’amélioration de la qualité de l’air identifiant les causes et imposant des changements forts.