Les femmes perdantes à la réforme des retraites?

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Les femmes perdantes à la réforme des retraites?

Les écarts de pension entre hommes et femmes, on le sait, restent forts, même si les écarts de droit direct se réduisent lentement et si les pensions récentes sont plus proches. La pension totale des femmes (c’est-à-dire en tenant compte des avantages de base et complémentaires, mais également de la réversion et des majorations pour enfants) représente 75 % du montant perçu par les hommes en 2017 (62 % sans les réversions et majorations pour enfants). L’écart reste donc important alors même que les femmes bénéficient des règles favorables d’attribution de trimestres (8 trimestres supplémentaires par enfant élevé au régime des salariés) et du dispositif de l’AVPF (assurance vieillesse des parents au foyer) qui là aussi compensent les arrêts d’activité, parfois pendant de longues périodes, pour les bénéficiaires de certaines prestations familiales sous condition de ressources. Cet écart est le reflet des interruptions des carrières féminines dues en particulier à l’éducation des enfants, du recours plus fréquent des femmes au temps partiel et de l’écart des rémunérations. Selon les prévisions du COR, il devrait toutefois se réduire, passer à 81 % en 2025 et aux alentours de 90 % en 2050.

S’agissant de la réforme des retraites avec passage à une retraite par points, le gouvernement soutient dans toutes ses présentations qu’elle sera favorable aux femmes : des points seront accordés pour le congé de maternité et une majoration de 5 % des points sera accordée par enfant, dès le premier. De plus le nouveau système garantit à tous le même montant de la pension de réversion (qui doit permettre d’atteindre 70 % du montant des pensions du couple) alors qu’aujourd’hui, au régime général, le droit à réversion est soumis à condition de ressources assez strictes et, à l’inverse, libéralement accordé dans les régimes spéciaux.

L’Institut de la protection sociale, qui défend les familles, soutient que le système est moins favorable aux femmes que celui qu’il remplace, où la majoration de pension (10 %) n’était accordée qu’à partir du 3e enfant mais où les femmes pouvaient allonger leur durée d’assurance (deux ans par enfant dans le régime général) et donc compenser en partie des périodes travaillées plus courtes.

La question a été étudiée en juin dernier par l’Institut des politiques publiques (« Quels effets redistributifs attendus ? » note de juin 2019, n° 44), un think tank spécialisé dans les études économétriques : selon l’étude, un système à points prenant en compte la totalité des salaires (avec des points revalorisés comme les salaires) est structurellement plus favorable aux carrières heurtées qu’un système par annuités exigeant une durée d’assurance minimale. La note conclut que de ce fait, le système par points sera favorable aux bas salaires et aux femmes.  Une note plus ancienne de 2013 du même think tank ( « Réformer les droits familiaux et conjugaux », octobre 2013) proposait déjà de remplacer par une majoration des droits par enfants le système de bonifications d’annuités, en considérant que ce dernier dispositif ne compensait pas les pertes de salaires. C’est exactement ce que propose la réforme, qui semble donc, sur ce point crédible. Pour être tout à fait convaincu, il manque toutefois des simulations à partir des carrières effectives des femmes, effectuées sur la base précise des propositions du gouvernement. De plus, si un âge pivot est institué, il pénalisera les femmes comme toutes les carrières incomplètes. Restons prudents: la question méritera approfondissement.