Le Livre noir de Gaza

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Le Livre noir de Gaza

Agnès Levallois, universitaire et chercheuse, qui a porté le projet du Livre noir de Gaza, Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, qui l’a préfacé, tous les contributeurs de l’ouvrage, journalistes gazaouis, organisations internationales (UNICEF, OMS, UNRWA), ONG (Amnesty international, Human rights) qui y apportent leurs témoignages, tous démontrent que l’on peut dénoncer la barbarie, même quand elle se déroule dans une prison où les témoins (la presse et, de plus en plus, les intervenants humanitaires) ne sont pas admis. L’ouvrage permet d’établir des faits, montrant comment la communauté internationale, par lâcheté ou opportunisme, laisse mourir des milliers de civils, de faim, de maladie, de blessures, sous les bombes, par l’action guerrière d’un pouvoir terrifiant qui prétend éliminer des terroristes et anéantit un territoire.

Le livre veut lutter contre l’invisibilité de ces massacres et aussi contre les méthodes d’intimidation du gouvernement Israélien, qui assimile toute critique à de l’antisémitisme (Josep Borrell, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères serait antisémite, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, serait antisémite, Philippe Lazzarini, directeur de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés, serait antisémite, le Président Macron serait antisémite…). Ce gouvernement plaide le droit d’Israël à se défendre en pilonnant des camps de réfugiés et se réclame du camp occidental contre des barbares qu’il tente d’assimiler à l’État islamique là où nous voyons des êtres humains martyrisés, affamés, torturés, obligés de fuir ici, puis de fuir là avant d’être brûlés vifs dans des incendies provoqués par les bombardements.

L’ouvrage d’Agnès Levallois n’est pas qu’humanitaire : il révèle aussi la stratégie d’Israël, dont on a beaucoup souligné l’absence lorsque l’on a vu que, malgré l’écrasement du Hamas, les bombardements continuaient, de manière apparemment irrationnelle, voire s’amplifiaient. Or, l’étude des déclarations des ministres israéliens montre qu’une stratégie existe, rendre Gaza invivable : que fait-on quand il n’y a plus de logements, de bâtiment debout, plus d’eau, plus d’écoles, plus d’hôpitaux, plus de terres cultivables, parfois plus de route, plus de secours qui arrive, que la faim et la peur taraude, que les enfants hurlent ? La stratégie du gouvernement d’Israël est de faire partir les palestiniens. Mais où ? Il s’en fiche. L’on repense à ce que disait Golda Meir des juifs : « Nous n’avons nulle part ailleurs où aller ». Eh bien, maintenant, ce sont les palestiniens qui n’ont nulle part ailleurs où aller. Et la communauté internationale ne pourra pas simplement détourner les yeux comme elle le fait aujourd’hui, comme d’ailleurs, elle le fait depuis des décennies que dure le conflit Israël-Palestine.

Dans la préface de Rony Brauman, l’on perçoit aussi les conséquences géopolitiques qu’aura à terme cette guerre sur l’État d’Israël. Protéger Israël, ce serait aujourd’hui, l’empêcher d’aller où son gouvernement l’entraine, de même que protéger l’Occident et ses valeurs, ce serait exiger qu’il n’accepte pas l’inhumanité de ses amis tout en dénonçant avec vigueur celle de ses ennemis. Même E. Macron l’a dit, en réponse au Premier ministre israélien qui présentait sa guerre comme une guerre pour la civilisation : on ne défend pas une civilisation en semant la barbarie. Le risque est que le droit international humanitaire sombre corps et bien désormais. Il est aussi que le décalage des nations occidentales entre les valeurs qu’elles prétendent défendre et leur silence complice ou gêné les déshonore et renforce les dictatures.

Citons cette préface, qui dénonce le soutien des pays démocratiques au massacre d’une population :

 « Les milliers de morts et de blessés des deux dernières décennies ne dépassaient visiblement pas le seuil de tolérance occidental. Et ce n’est qu’à la suite des attentats que l’on constate avec effarement l’extrême violence de « l’armée la plus éthique du monde », tout à sa tâche de destruction méthodique des infrastructures civiles de Gaza -hôpitaux, universités, église, écoles, mosquées, routes, exploitations agricoles- et ses impitoyables techniques de « ciblage » par intelligence artificielle, quantifiant la mise à mort d’innocents, par dizaines, voire par centaines, pour atteindre une seule cible du Hamas.

Aucune population n’a subi des bombardements d’une telle intensité, aucune guerre récente n’a tué autant d’enfants, aucun massacre de cette envergure n’a reçu un tel soutien de la part de pays démocratiques, professant à tout propos leur attachement au droit international et aux droits humains. Soulignons au passage que le « droit de se défendre » rituellement invoqué se rapporte à une agression étrangère, et non à la violence issue d’une population occupée, ce qui est bien le cas, n’en déplaise aux « amis ». Remarquons également que ce supposé droit justifie les attaques au missile contre des convois et des lieux humanitaires et contre l’agence des Nations unies chargée de l’assistance aux réfugiés palestiniens (l’UNRWA). Dans ces conditions, les appels abstraits au respect du droit humanitaire ne sont rien d’autre qu’une posture ».

Qui défendra à Gaza le droit international ? ou la simple humanité ?