Paysage syndical : la CGT à la dérive

Affaire Lambert : la partialité des juges judiciaires
26 mai 2019
Union européenne : la politique commerciale et de concurrence en débat
27 mai 2019

Paysage syndical : la CGT à la dérive

Même en lisant attentivement les comptes rendus du Congrès de la CGT, qui s’est tenu à Dijon du 13 au 17 mai 2019, on ne comprend pas grand-chose à la ligne syndicale choisie, qui est devenue zigzagante et confuse. Ce n’est pas la première fois : en 2016, le congrès a montré déjà des contradictions internes. Le syndicat est fracturé, avec une aile qui conteste de manière virulente la ligne de la direction actuelle, dont elle n’arrête pas, dans ses diverses déclarations ou éditoriaux, de dénoncer les échecs, sur le plan des luttes sociales comme sur le nombre des adhérents, qui baisse. Cette aile, que l’on dit minoritaire sur le papier puisqu’elle représente environ un tiers des votes, a empêché pourtant que soit adoptée, lors du congrès, la réforme des structures internes de la CGT dont elle ne voulait pas, et obtenu que la CGT noue des liens avec une confédération internationale qui réunit les « syndicats » communistes de Cuba et de la Corée du nord (c’est le retour à une ligne « politique », avec le soutien à des dictatures et l’affirmation d’un retour à un « syndicalisme de classe »). Le nom de Laurent Berger, présenté par certaines fédérations comme un laquais du macronisme, a été hué. En même temps, le rapport d’activité de la direction sortante a été approuvé à 70 % des voix et le secrétaire général, censé être responsable d’une ligne présentée comme calamiteuse, réélu avec 90 % des suffrages.  En sera-t-il plus fort ? Non, puisqu’il ne sait pas où il va et qu’il adopte, en public, une ligne dure tandis qu’en privé, il déplore sa faiblesse et se déclare inquiet. Si l’on prend du recul par rapport à ce congrès où l’intimidation a sans doute joué son rôle, l’on voit une Confédération qui a fait le choix, depuis plusieurs années, malgré certaines hésitations et périodes de rémission, de la politique de la chaise vide (elle a souvent refusé depuis 2014 de se rendre à des réunions de concertation organisées par le gouvernement mais aussi, plus récemment, de participer au Grand débat) et la multiplication de journées d’action qui ne réunissent que des militants. La fascination des syndiqués CGT pour les gilets jaunes, symbole d’une révolte brute qui entend renverser la table sans volonté de négociation et qui réclame « tout le pouvoir au peuple », est inquiétante ; elle occulte les ambiguïtés du mouvement à l’égard de la violence, du modèle social et des immigrés ; elle s’inscrit en contradiction avec la tradition d’une CGT bien tenue en main, même si celle-ci a toujours été dans une culture d’affrontement et de virulence. Quand « l’appropriation des moyens de production » et le blocage de l’économie deviennent le leit-motiv d’un congrès syndical en 2019, il est légitime de s’inquiéter. Le syndicalisme est mortel, disait Laurent Berger à son propre congrès, en 2018. C’est le diagnostic qui ressort désormais. Le syndicalisme était déjà faible mais il ne le cachait pas si mal : avec une CGT moribonde, il devient diaphane. L’organisation des débats publics et la représentation des salariés ne peuvent qu’en souffrir.