Comprendre la récidive

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Comprendre la récidive

Le Ministère de la justice a fait paraître, en juillet 2021, une étude sur les déterminants de la récidive chez les sortants de prison. Il en ressort que 31 % des sortants de prison en 2016 ont été à nouveau condamnés dans l’année qui a suivi leur libération.

L’originalité de l’étude de 2021 est de porter sur l’ensemble des sortants de prison de 1996 (en excluant les personnes sous écrou ayant vu dès le départ leur peine de prison aménagée hors détention) et d’élargir la récidive à une autre condamnation, pas nécessairement une réincarcération. Dans les autres études, la récidive est souvent définie de manière moins large puisque, juridiquement, le terme recouvre la commission d’un nouveau crime ou d’un délit puni de la même peine que le délit précédent.

La population étudiée est jeune (la moitié a moins de 30 ans lors de l’entrée en détention), essentiellement masculine, majoritairement célibataire, avec un faible, voire un très faible niveau d’instruction (64 % ont au plus un niveau brevet des collèges). 39 % souffre d’une addiction et un quart a besoin ou a eu besoin d’un suivi psychiatrique. Les atteintes aux biens (vols, aggravés ou pas) prédominent dans les infractions, suivies des violences et du non-respect de la législation sur les stupéfiants. Pour les 2/3, la durée d’emprisonnement n’a pas excédé un an et deux sortants sur 5 ont passé moins de 6 mois en détention.

Les deux tiers des sortants n’ont bénéficié d’aucun aménagement de peine.

Les personnes les plus sujettes à récidive sont celles condamnés pour vol sans violences (43 %). Le risque est plus élevé pour les plus jeunes (55 % pour les 18-20 ans), ceux qui ont déjà été condamnés (le passé pénal est déterminant), ceux qui souffrent d’une affection psychiatrique. En revanche, les personnes ayant bénéficié d’une libération conditionnelle sont moins nombreuses à récidiver (- 10 points, -12 pour les aménagements de peine sous écrou, sachant, il est vrai, que les critères pour accéder à ces aménagements font de cette population une population particulière). Enfin, le travail en prison réduit légèrement le risque.

L’on mesure à cette description les facteurs qui devraient conduire à intensifier envers certains publics les efforts de suivi et d’accompagnement. Si tant est que la prévention de la récidive soit une préoccupation, elle supposerait que toutes les peines courtes soient aménagées (le sont-elles aujourd’hui, malgré la loi du 23 mars 2019 ?), que la notion de peines courtes soit sans doute étendue (le droit actuel évoque les peines d’au plus un an) et que le suivi psychiatrique soit réellement mis en place, voire pris en compte dans les décisions de justice.

Les experts ont souligné combien les conclusions de l’étude de 2021 recoupaient celles d’études précédentes. En 2012, la conférence de consensus sur la prévention de la récidive qui avait précédé la réforme pénale de 2014 soulignait déjà que la récidive était beaucoup plus fréquente pour les atteintes aux biens que pour les atteintes aux personnes ; que la récidive pour crime était faible ; qu’elle diminuait avec l’âge ; enfin que la solitude était, comme la jeunesse, un facteur de risque. Toutes les études, françaises et étrangères, montrent également l’impact sur la récidive d’un aménagement de peine et d’un accompagnement.

 Toutefois, le taux de 31 % de récidive (qui ici ne concerne qu’une nouvelle condamnation dans la première année suivant la sortie) ne permet pas de prendre une vision complète du phénomène. Une étude du ministère de la justice de 2013 montre que le taux de récidive présente la caractéristique d’augmenter avec le temps : ainsi, le taux de re-condamnation, qui atteint 30 % au bout d’un an après la sortie, augmente continûment dans les 5 ans qui la suivent et atteint alors 60 %, avant un aplatissement de la courbe.

La prison ne sert à rien, disait-on en 2012-2013 lors des réflexions qui ont conduit à instituer la peine de probation et à développer le recours aux peines alternatives. Il est certain en tout cas qu’elle ne dissuade pas certaines catégories de récidiver. L’ampleur du phénomène devrait conduire à s’interroger sur les peines infligées à de petits délinquants, surtout jeunes, surtout si elles sont courtes, avec le risque accru de désinsertion sociale et de sorties sèches. Mais comme dans beaucoup de politiques publiques, les décisions sont en ce domaine idéologiques et non rationnelles : c’est au nom de l’insécurité qu’est plaidé le recours à la détention et les études sur les risques de récidive ne sont pas exploitées.