Respect des droits des étrangers : des défaillances structurelles

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Respect des droits des étrangers : des défaillances structurelles

La parution du rapport annuel 2022 de la Défenseure des droits est l’occasion de mesurer le respect du droit en France, notamment à l’égard des personnes vulnérables. L’augmentation en 2022 du nombre des réclamations déposées au siège de l’Institution ou auprès des délégués répartis sur le territoire (+ 13 %) n’est pas un très bon signe. Surtout, par nature, la Défenseure des droits devrait traiter des abus, des anomalies, des situations ponctuelles dans lesquelles l’administration, les entreprises ou certains particuliers ont enfreint la loi. Les réclamations ou les demandes d’intervention portent pourtant, très fréquemment, sur des violations répétées, voire structurelles, des droits. C’est particulièrement préoccupant lorsque l’administration est en cause, qu’elle l’est depuis longtemps et qu’elle ne corrige pas ses manquements.

Selon le rapport d’activité 2022, c’est le cas dans au moins deux domaines : il s’agit d’abord de l’impossibilité pour les étrangers de déposer leur dossier en préfecture, que ce soit pour déposer une première demande de titre une demande de renouvellement, et ensuite, du fonctionnement des services de protection de l’enfance.

Les réclamations au Défenseur des droits émanant des étrangers ont augmenté de 230 % de 2019 à 2022 et de 450 % en Ile-de-France. Elles représentent en 2022 un quart des saisines de l’Institution. La cause en est la dématérialisation systématique des démarches, module de demande de rendez-vous en ligne ou plateformes « Démarches simplifiées » et « Administration numérique des étrangers en France » : les demandeurs se heurtent dans nombre de cas à l’impossibilité de prise de rendez-vous ou aux dysfonctionnements techniques des plateformes. Certains d’entre eux, faute d’avoir respecté les délais que les textes leur imposent, basculent alors dans une situation irrégulière. La Défenseure des droits est alors obligée de jouer un rôle de médiation avec les préfectures alors qu’il s’agit tout simplement de l’impossibilité d’accéder à un service public. De même, les tribunaux administratifs sont saisis de contentieux qui n’ont pas lieu d’être.

Surtout, la question a été tranchée sur le plan juridique : une décision du Conseil d’Etat du 3 juin 2022 indique que, si l’Etat est en droit de prévoir des plateformes numériques de dépôt de demandes de titres, il lui appartient également de se préoccuper des usagers éloignés du numérique et de mettre en place, pour eux, une solution de substitution.  Le Conseil d’Etat a donc annulé le décret du 24 mars 2021 prévoyant la mise en place d’un téléservices pour le dépôt des demandes de titres de séjour précisément parce qu’il ne prévoyait pas de solution de substitution. Il a de même annulé l’arrêté du 27 avril 2021 relatif aux titres de séjour délivrés en ligne en ce qu’il n’organisait pas les modalités d’accompagnement à la date d’entrée en vigueur du téléservice. Il appartient donc au ministère de l’Intérieur de tirer toutes les conclusions de ces décisions, ce qu’il ne fait pas.

Second exemple d’une politique publique en défaut, déjà maintes fois évoqué, le cas des services de protection de l’enfance :  en novembre 2022, la Défenseure des droits avait déjà publié un communiqué s’alarmant des alertes transmises par des juges pour enfant des départements  du Nord et de la Somme :  manque de places en foyer et d’assistants familiaux, placements non exécutés, mesures d’assistance éducative en milieu ouvert prises en charge dans des délais pouvant excéder 6 mois et ruptures dans les parcours des enfants…La Défenseure annonce un rapport sur ce thème, qui, là encore, porte sur la dégradation des services publics. A pour autant, à quoi servira ce rapport si le gouvernement n’agit pas, sachant que la question des délais de prise en charge des enfants en danger est pendante depuis des années ?