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Pauvreté des jeunes : toujours les mêmes débats

Du 2e au 3e trimestre 2020, le taux de chômage en France, jusqu’alors bas, est passé de 7 % à 9 %. Cette augmentation brutale sur un trimestre touche moins les jeunes (+0,9 %) que les 25-49 ans (+ 2,9 %), qui est le contre coup mécanique de la baisse artificielle liée au confinement. En revanche, sur un an, c’est la hausse du chômage des jeunes qui est la plus importante : 21,8 %, soit + 2,8 points au-dessus du niveau, historiquement bas, de la seconde moitié de 2019. L’inquiétude porte bien évidemment sur les nouveaux entrants sur le marché du travail qui courent le risque de ne pas pouvoir s’insérer et ne profitent pas des mesures de protection mises en place pour les travailleurs déjà en activité. De plus la forte réduction des emplois d’intérim et de CDD qui servaient de tremplin à l’insertion des jeunes les fragilise. Or, la pauvreté des jeunes a toujours été forte en France et risque fort de s’accroître encore.

Les préoccupations sur l’emploi des jeunes ont inspiré certaines dispositions du plan de relance d’août 2020 et se traduisent notamment par des mesures traditionnelles de versement de primes  pour toute embauche d’un jeune de moins de 25 ans en CDI ou en CDD de 3 mois au moins, par une augmentation des aides à l’apprentissage et aux contrats de professionnalisation et par la promesse d’augmenter les formations qualifiantes. Cette politique « à l’ancienne » n’a pas convaincu tout le monde : les plans d’aide aux jeunes de ce type – surtout les mesures d’aide à l’embauche –  ont toujours été accusés de favoriser les effets d’aubaine et l’éviction d’autres publics qui ont tout autant que les jeunes besoin de travailler.

Dans ce contexte,  la secrétaire d’Etat à la jeunesse a demandé en octobre 2020 au Conseil d’orientation des politiques de la jeunesse (COJ) un rapport sur les évolutions d’un dispositif spécifique, la Garantie jeunes, pour la rendre accessible à un nombre de jeunes plus important.  Ce dispositif, mis en place à titre expérimental en 2013 et généralisé par la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels adoptée en 2016, est destiné aux jeunes de 16 à 25 ans en grande difficulté. Il vise en particulier les jeunes à très faibles ressources qui ne sont ni en emploi, ni en scolarité ni en formation (les NEET). Il  leur permet de toucher l’équivalent du RSA tout en bénéficiant d’une formation et d’un accompagnement intensif vers l’emploi. Le plan de lutte contre la pauvreté 2018 prévoyait de l’étendre à 100 000 jeunes, objectif juste atteint aujourd’hui. L’évaluation de la mesure a montré son efficacité mais celle-ci ne s’adresse pour l’instant qu’à un public très spécifique.

Le rapport du COJ remis en janvier 2021 propose d’assouplir les conditions d’admission effectivement restrictives, en termes de situation personnelle du jeune (le but est de dépasser la cible stricte des NEET) et de prise en compte des ressources, appréciées sur les 3 derniers mois seulement. L’objectif est de faire en sorte que le parcours d’accompagnement vers l’emploi devienne un droit pour tous les jeunes en risque de pauvreté et de désinsertion, même quand ils sont diplômés ou travailleurs occasionnels, voire quand ils sont rattachés au foyer fiscal des parents mais sont autonomes ou ont rompu avec leur famille.

La ministre du Travail a accueilli favorablement le rapport et semble disposée à mettre en place une « garantie jeunes universelle ».

Le risque est grand pourtant d’une sorte de malentendu. Les tenants de la réforme de la Garanties jeunes veulent la rapprocher le plus possible d’un droit tout en maintenant sa spécificité, l’acceptation par le jeune d’un accompagnement intensif vers l’emploi. Il s’agirait au fond d’attribuer un RSA-jeunes mais dont le volet insertion aurait réussi. C’était à peu près l’objectif du rapport Sirugue en 2016 qui proposait l’extension du RSA aux jeunes tout en veillant à ce que la démarche obligatoire d’insertion professionnelle soit mieux garantie : la gauche ne l’a pas à l’époque appliqué, ce qui la disqualifie aujourd’hui pour critiquer l’absence de mesures efficaces de lutte contre la pauvreté des jeunes.

La ministre du travail actuelle quant à elle voit dans le rapport du COJ l’occasion de simplifier et d’unifier les dispositifs existants qui sont nombreux (Parcours contractualisés d’accompagnement vers l’emploi, Prépas apprentissage, Epides ou  établissements pour l’insertion dans l’emploi). Ce choix élargira le champ de la Garanties jeunes mais le risque  est de maintenir des conditions d’accès à la Garantie jeunes trop étroites et ne pas créer un droit ouvert à tous les jeunes sous condition de ressources et d’engagement. Si c’est le cas, ce sera une occasion ratée à nouveau.

Le débat sur la pauvreté des jeunes et les moyens d’y répondre est sans fin…

Surtout, les politiques ont toujours préféré, pour aider les catégories à faibles ressources, les prestations spécialisées complexes et ciblées (ce qui augmente les inégalités et le risque de non-recours) plutôt que la couverture large, sans barrière d’âge, de catégories homogènes par leurs ressources et leur difficultés, plus efficace mais plus coûteuse et qui, surtout, s’apparente davantage à un droit. C’est dommage et, pour les jeunes, injuste.