Les décisions d’assignation à résidence décidées dans le cadre de l’état d’urgence, justifiées par des notes blanches anonymes et non « sourcées » des services de renseignement du ministère de l’Intérieur, sont peu contrôlées par la justice administrative qui en est chargée. Dans les rares cas où l’assignation a été levée par le juge administratif, la personne assignée à résidence a pu démontrer que les motifs de son assignation étaient infondés ou ne pouvaient pas, matériellement, être exacts. L’on assiste ainsi, dans la pratique, à un renversement de la charge de la preuve : c’est à la personne assignée à résidence (et qui n’est pas présentée à un juge judiciaire parce que les autorités n’ont rien qui le permette) de démontrer son innocence. En outre, alors que la loi plafonne à un an, sauf exception, la durée des assignations à résidence sans saisine judiciaire et que le Conseil constitutionnel a clairement indiqué les conditions auxquelles cette prolongation devait obéir (décision du 16 mars 2017), le Conseil d’Etat a refusé, le 25 avril, de lever des assignations longues de près d’un an et demi pour lesquelles les conditions de prolongation n’étaient manifestement pas remplies. L’on éprouve un malaise devant ces dossiers, certes peu nombreux, où des décisions purement administratives privent des personnes de leurs droits fondamentaux pendant un an et demi sans qu’aucun juge ait été saisi d’une quelconque infraction au droit. Cependant, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu le 3 mai 2017 un arrêt de tonalité tout à fait différente. Le juge judiciaire, saisi de la violation des obligations d’une assignation à résidence, (www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/1050_3_36672.html) avait condamné deux « assignés » à des peines de prison ferme et celles-ci se défendaient en indiquant que l’assignation à résidence n’était pas justifiée. L’argument avait été au départ balayé par le juge qui notait que les deux accusés n’avaient apporté aucune preuve de leurs affirmations. La Cour de Cassation, saisie du dossier, a rappelé que, dès lors qu’une condamnation pénale est envisagée, c’est au juge d’étayer les charges, « sans faire peser la charge de la preuve sur le seul intéressé et en sollicitant, le cas échéant, le ministère public afin d’obtenir de l’autorité administrative les éléments factuels sur lesquels celle-ci s’était fondée pour prendre sa décision ». Ce rappel fait du bien. Il est dommage que le juge administratif ne s’en inspire pas lorsqu’il contrôle les mesures administratives de limitation des libertés