Action publique 2022 : la réforme de l’Etat est en route

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Action publique 2022 : la réforme de l’Etat est en route

Le Ministre de l’action et des comptes publics avait annoncé au Conseil commun de la fonction publique, en juillet dernier, des Etats généraux du service public, pour réfléchir aux missions qui lui sont dévolues, améliorer la qualité, examiner également les éventuelles adaptations. Le projet a depuis lors gagné en ambition : le Premier Ministre a fait paraître, le 26 septembre 2017, une circulaire « Programme action publique 2022 » adressée à l’ensemble des ministres http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2017/09/cir_42609.pdf.

Le Premier ministre crée en premier lieu un « Comité d’action publique » composé de personnalités qualifiées (élus, acteurs économiques, hauts fonctionnaires …et personnalités étrangères) en charge de procéder à une « revue » des missions et des dépenses publiques. Ce comité doit travailler jusqu’à mars 2018.  Sa mission est, dans le champ des compétences de l’Etat, de ses opérateurs, des collectivités et des organismes de sécurité sociale, de proposer les transferts de responsabilités, l’abandon de certaines missions ou la clarification de chevauchements de compétences qui lui paraîtraient opportuns. Les ministres doivent aider le Comité dans sa réflexion.

Parallèlement, le Premier ministre prévoit de conduire des chantiers de réflexion portant sur la simplification administrative et la qualité de service, la transformation numérique, la rénovation du cadre des ressources humaines, l’organisation territoriale des services publics et la modernisation de la gestion budgétaire et comptable.

L’organisation de forums régionaux des services publics puis un forum national de l’action publique accompagnera l’ensemble.

Le calendrier prévoit qu’au terme de ces travaux, chaque ministre élaborera un plan de transformation ministériel arbitré à l’été 2018.

Les thèmes et la méthode évoquent bien évidemment le lancement de la Révision générale des politiques publiques en 2007-2008, elle-même inspirée par les « revues de politiques publiques » menées dans les années (ou les décennies) précédentes au Canada et dans les pays scandinaves pour faire baisser les dépenses publiques. Pour autant, en 2007 et 2008, l’ambition de modifier certaines politiques ou de procéder à un nouveau partage des compétences avait été rapidement abandonnée, parce que le Président de la République d’alors voulait aller vite : il avait compris que la refonte de la politique familiale ou la redéfinition du partage de compétences entre l’Etat et les collectivités (l’on pense au RSA, qui pourrait revenir à l’Etat ou, à l’inverse, à l’hébergement d’urgence, qui pourrait être  transféré aux collectivités) occasionneraient des débats sans fin. Il avait alors préféré s’en tenir à un redécoupage des structures administratives de l’Etat (fusion de directions, réorganisation des services territoriaux de l’Etat, création de services de gestion) et à des coupes claires dans les effectifs de fonctionnaires. Le Premier ministre de 2017 a manifestement d’autres ambitions : il les annonce en plaçant dans le Comité d’action publique l’économiste Philippe Aghion, hostile au millefeuilles territorial, avocat d’une sécurité sociale unifiée et partisan d’une forte réduction des dépenses publiques.

Les organisations syndicales de fonctionnaires, exclues du Comité d’action publique, réagissent mal. Ont-elles raison ? Le gouvernement est légitime à poser les questions d’organisation du service public et à réfléchir sur la répartition des responsabilités, dont mille rapports ont dénoncé les redondances et parfois les confusions. Il est également légitime que le débat dépasse la fonction publique, certes concernée au premier chef mais qui n’a pas le monopole de la réflexion sur le service public. Il vaut mieux couper dans les effectifs de fonctionnaire après avoir réfléchi aux missions et à l’organisation des services. L’inquiétude porte davantage sur l’ampleur du chantier, les réactions des collectivités territoriales ou des responsables de la sécurité sociale, l’éventuelle brutalité du diagnostic, la difficulté à le faire partager, la capacité des partenaires de l’Etat et de l’Etat lui-même à « encaisser » une éventuelle réorganisation en profondeur, l’orientation trop nette aussi vers la seule volonté de réduire les dépenses qui risque d’appauvrir la réflexion. Le gouvernement gagnerait également à réfléchir au destin des « revues » scandinaves ou canadiennes, qui ont été amendées par la suite parce que parfois trop rigoureuses. Enfin, il doit s’occuper des fonctionnaires et ne pas considérer leur devenir comme une question annexe. Le chantier est dangereux, plein de pièges : du moins est-il ouvert.