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Prix agricoles: une réforme crédible?

Le discours d’Emmanuel Macron aux Etats généraux de l’agriculture, le 12 octobre dernier, avait du souffle, un souffle que n’ont jamais eu les interventions de son ministre de l’agriculture, ce qui souligne cruellement l’inconvénient majeur d’avoir nommé des ministres sans charisme et sans flamme qui ne parviennent pas à avoir le surplomb nécessaire pour appeler un chat un chat et reconnaître qu’un modèle à bout de souffle doit évoluer.

Emmanuel Macron a eu le grand mérite de rappeler les deux objectifs des États généraux de l’alimentation : permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé, permettre à chacun de profiter d’une alimentation saine et durable. Il a eu le grand mérite de dire qu’un changement profond de paradigme était nécessaire pour y parvenir. Il a dit que les prix payés aux agriculteurs étaient anormalement bas, qu’il s’agissait là d’une dérive et qu’un modèle qui fonctionnait sur ce fondement n’était pas durable. Il a souligné qu’au-delà de la question des prix, il fallait monter en qualité et intégrer les questions sanitaires et environnementales dans les débats. Toux ceux qui l’écoutaient avaient en tête la chute de valeur de la production végétale et animale en 2016, le recul de la valeur ajoutée agricole, le recul de l’emploi agricole cette année-là, la chute de 22 % du résultat brut d’exploitation des entreprises de 2015 à 2016. En juillet dernier, le Président de la MSA déclarait que la moitié des agriculteurs avaient eu en 2016 un revenu de 350€ par mois une fois leurs charges payées. Ce n’est effectivement pas soutenable sur le moyen et long terme. Tout cela, alors que, de plus, l’agriculture ne peut pas être considérée comme respectueuse de l’environnement, comme le montre le maintien à un haut niveau de la consommation des pesticides et des désherbants ou la pollution des bords de mer du fait des algues vertes.

Le Président Macron trace une voie : il veut que le contrat entre les agriculteurs et leurs acheteurs (industriels ou commerçants) soit désormais proposé par les agriculteurs sur la base de leurs prix de revient et non plus par les acheteurs, qui ne sont bridés que par un seuil de revente à perte et pensent à leurs marges. Il souhaite que ces contrats soient conclus, par groupes de produits, par des organisations de producteurs unitaires, et soient pluriannuels, pour donner de la visibilité à des agriculteurs désireux d’investir et de monter en qualité. Sans être hostile à une revalorisation du seuil de revente à perte (qui a fait l’objet d’interminables débats dans les jours précédents), il remet à sa place cet outil, au fond secondaire. Il parle, surtout, développement de l’agriculture biologique, qualité, labels et construction d’un nouveau modèle.

  La séduction de la démarche est réelle. Cependant, comment faire ? Il est extrêmement compliqué de construire une politique de prix fondé sur des prix de revient disparates, liés à la taille de l’exploitation, à l’importance de la production, à sa qualité. Comment parvenir à élaborer des références crédibles et utilisables ? Les prix de revient intègreront-ils le coûts des investissements nécessaires à la transformation du modèle agricole bas de gamme qui est trop souvent le nôtre ? Comment unir entre eux les producteurs ? Comment surtout rendre cette politique compatible avec des principes de concurrence étroitement surveillés, dans un marché qui est ouvert sur l’Europe ? Quel arbitrage en cas de désaccord et de conflit sur des « contrats de filière » intégrant des objectifs environnementaux ? Les 5 Mds du plan d’investissement porté par l’Etat suffiront-ils à accompagner ce renouvellement ?  Tout reste à faire, avec la peur que les intérêts corporatistes ne reprennent le dessus et que les conflits de court terme ne se reposent comme avant. Mais si le discours a une suite, même partielle, même imparfaite, l’agriculture peut espérer revivre.