Rapport Borello : remplacer les emplois aidés

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Rapport Borello : remplacer les emplois aidés

Le rapport Borello commandé par la ministre du travail , « Donnons-nous les moyens de l’inclusion » est disponible depuis 16 janvier 2018 à cette adresse :  http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/donnons-nous_les_moyens_de_l_inclusion-rapport_de_jean-marc_borello.pdf. Le rapport est peu surprenant : en premier lieu, il ne répond pas complètement à la commande de la ministre, qui insistait beaucoup dans sa lettre de mission sur les inégalités d’accès à l’emploi en fonction des territoires et demandait qu’une approche intégrée des questions d’insertion soit définie (logement, mobilité, formation) pour les personnes vivant en territoire rural ou quartiers sensibles. Le rapport n’évoque (ou quasiment) que la formation et le travail, pivots essentiels de l’insertion, il est vrai, renvoyant à une « Conférence interministérielle de l’inclusion économique et sociale » le soin de « colmater les brèches » entre les diverses politiques publiques, ce qui, il faut le reconnaître, ne nous avance pas beaucoup. Sur la question de l’emploi, le rapport apporte des solutions de bon sens. Les emplois aidés sont pérennisés sous un autre nom, plus ambitieux, « Parcours emploi compétences » (PEC), en corrigeant leurs failles évidentes : sélection plus stricte des employeurs et engagements plus fermes de formation et d’accompagnement ; possibilité d’avoir recours à un contrat de professionnalisation, avec une place plus longue pour la formation ; meilleure unité donnée aux différents dispositifs qui cohabitent jusqu’alors et qui, désormais sont tous financés (y compris le dispositif de la « garantie jeunes » ou le secteur, jusqu’alors à part, de « l’insertion par l’économique ») par un fonds d’inclusion dans l’emploi à disposition du préfet, ce qui permet une fongibilité entre les crédits et les dispositifs, avec un droit à l’expérimentation. La question de l’insertion est-elle pour autant résolue ? En premier lieu, les mauvais résultats de l’insertion durable dans l’emploi des bénéficiaires de emplois aidés ne s’expliquent pas seulement par l’absence de formation professionnelle voire de tutorat : ils s’expliquent aussi parce que les emplois offerts aux personnes accueillies dans le secteur non marchand (associations ou collectivités territoriales) ne les arment pas pour répondre aux offres d’emploi du secteur marchand : les postes ne sont pas de même nature et l’employeur privé potentiel valorise difficilement l’expérience d’un emploi public. Or, le rapport propose de réserver les PEC exclusivement au secteur non marchand, pour éviter les effets d’aubaine, il est vrai très élevés, des entreprises. En second lieu, si le secteur non marchand est si attaché à la perpétuation des emplois aidés, c’est parce que ceux-ci leur permettent parfois de fonctionner : va-t-il accepter alors de jouer le rôle « d’employeur-apprenant » décrit avec lyrisme dans le rapport, sans ménager sa peine ni éventuellement son argent, pour tirer vers l’emploi des populations démunies ? Enfin, qui va contrôler les exigences contractuelles imposées aux employeurs, associations, services publics et collectivités ? Le rapport fournit bien évidemment des réponses, avec deux ou trois entretiens tripartite préalables au contrat (Pôle emploi, salarié, employeur) pour bien préparer les choses et des « points » pour en vérifier la bonne exécution avant achèvement du contrat. Cependant, le rapport de la Cour des comptes de 2016 sur l’insertion des jeunes note que l’obligation de formation est déjà inscrite dans 96 % des contrats aidés traditionnels (CUI et emplois d’avenir) et que 23 % seulement des salariés déclarent en avoir bénéficié, hors simple adaptation au poste de travail. Passer à un accompagnement performant et de qualité sera un vrai changement… La Cour des comptes a toujours souligné (et encore récemment) la très faible capacité de Pôle emploi (et des missions locales), à accompagner les demandeurs d’emploi, même ceux placés en catégorie renforcée. Comment cette institution, qui ne se redresse que très lentement, pourra-t-elle fournir le suivi attentif dont elle deviendrait responsable pour les Parcours emploi compétences ?   Enfin, partant de l’affirmation que « tout le monde est employable » et se reposant sur des expériences réussies qui parviennent à insérer des personnes très loin de l’emploi, le rapport évite de s’interroger sur la problématique des jeunes très faiblement qualifiés pour lesquels la Cour mentionne, dans son rapport 2016, qu’il existe peu de réponses : la Cour cite les missions locales qui indiquent la « faible  appétence » de ces jeunes pour la formation, parce qu’ils redoutent des apprentissages scolaires et contraignants et n’ont plus l’espoir d’être employables. Il faudrait inventer des parcours spécifiques…Le rapport Borello est plein de bons sentiments. Cela suffit-il à faire une bonne politique, même avec les moyens du grand plan d’investissement ?