Pollution de l’air: la France devant la Cour de justice?

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Pollution de l’air: la France devant la Cour de justice?

La Commission européenne menace de sévir contre les 9 pays, dont la France, qui ne respectent pas la directive 2008/50 sur la qualité de l’air fixant des valeurs limites de particules fines et de dioxyde d’azote dans l’air. Ces deux polluants proviennent des activités industrielles, de la circulation automobile et du chauffage et sont susceptibles d’entraîner des décès prématurés. A vrai dire, l’on a du mal à comprendre que la Commission ait attendu si longtemps pour en appeler à la Cour de justice : le délai fixé par la directive aux Etats pour agir au cas où les valeurs limites définies seraient dépassées expirait en 2010 et la France a, au demeurant, transposé la directive dans le droit cette année-là. Elle est ainsi engagée depuis près de 8 ans à appliquer les normes ainsi définies. En 2013, la Commission a mis en demeure la France d’adopter des mesures tendant à les respecter. En 2015 elle a envoyé à la France un « avis motivé » lui donnant deux mois pour réagir, menaçant alors de saisir, sinon, la Cour de justice de l’Union. Que peut faire valoir la France pour sa défense ? D’abord, qu’elle a mis en place un plan national de réduction des polluants atmosphériques (PREPA) et des plans de protection de l’atmosphère (PPA) dans les régions les plus touchées, notamment Ile de France, région lyonnaise, vallée de Chamonix. Ensuite que ces plans ont, selon elle, une certaine efficacité puisque le ministère en charge de l’écologie publie sur son site des courbes qui montrent une très nette décroissance, depuis 10 ans, des concentrations moyennes annuelles tant en particules fines qu’en dioxyde d’azote. Pour les particules fines, cette concentration moyenne annuelle se situe en dessous du niveau nocif à la santé y compris quand on la mesure dans les zones proches du trafic routier mais la France reconnaît que, dans un nombre limité de sites, (dont Paris et Sallanches), les normes annuelles et quotidiennes sont dépassées. Pour le dioxyde d’azote, la situation est moins bonne puisque la norme moyenne annuelle (et les normes quotidiennes et horaires) sont dépassées à proximité des axes routiers dans 16 agglomérations, dont Paris, Lyon, Marseille…ce qui malgré tout, en nombre d’habitants, reste pour le moins préoccupant. Surtout, la France peut faire valoir qu’après une décision, en juillet 2017, du Conseil d’Etat, saisi par une association écologique, qui enjoint aux autorités compétentes de prendre des mesures dans un délai de 9 mois et de les transmettre à Bruxelles, le ministre de la transition écologique et solidaire a demandé aux préfets des zones concernées d’élaborer des « feuilles de route » avant le 31 mars 2018, « avec des actions concrètes et de court terme permettant d’aller plus loin et plus vite pour renforcer les moyens mobilisés en faveur de la qualité de l’air ». Que disent face à ces constats et bonnes intentions les associations écologiques ? Eh bien il leur arrive de mettre en doute la baisse des émissions polluantes : selon elles, il faudrait mesurer non pas seulement les particules fines mais les particules ultrafines qui seraient bien plus nocives pour la santé, et les mesurer en bord de voirie et non pas seulement à proximité, une fois les particules diffusées dans l’air par le vent.  De plus, elles mettent en doute l’efficacité des mesures prises jusqu’ici, pourtant vantées par le ministère et, après tout, à juste titre puisque les résultats visés ne sont pas atteints. Elles soulignent que les plans d’amélioration sont timorés. Elles parlent report modal du transport des marchandises, péages urbains ou interdiction des déplacements non professionnels certains jours, interdiction des camions trop polluants, interdiction des feux de cheminée ou des centrales à charbon, augmentation de la fiscalité diésel…L’humour involontaire de la situation est que l’Union européenne elle-même s’est montrée laxiste, qui impose de respecter des normes de pollution tout en tolérant que l’industrie automobile les viole (c’est l’affaire Volkswagen) et les assouplit quand celle-ci le lui demande. Le problème est que, à avoir laissé pourrir une situation, il devient difficile de convaincre que l’on va agir. La France, lors de sa convocation devant la Commission le 30 janvier 2018, s’est vu intimer de produire la liste des mesures qu’elle compte mettre en œuvre le 5 février 2018 : ces délais n’ont manifestement pas de sens.   Selon les témoignages, il n’a pas été question de poursuites. Si la commission n’en engage pas, elle perd pourtant toute crédibilité. Si elle en engage après une telle mise en demeure, elle paraît ridicule. Peu importe : ce qui nous intéresse, c’est surtout de savoir si et comment les pouvoirs publics entendent traiter le problème ou s’ils vont encore l’esquiver plusieurs années.