Action publique 2022 : un Forum pas vraiment convaincu

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Action publique 2022 : un Forum pas vraiment convaincu

Dans le cadre du projet « Action publique 2022 » destiné à moderniser l’action publique, trois séries de réflexion ont été engagées par le Premier ministre en octobre 2017 : en premier lieu, un Comité d’action publique doit procéder à une revue des missions et des dépenses publiques, en s’interrogeant sur les contours de l’action publique, la répartition des compétences et, sans doute, les priorités de réformes. Le Comité devait rendre son rapport avant fin mars, il devrait le remettre prochainement. Le second chantier prévu est interministériel : 5 thèmes ont été définis, simplification et amélioration de la qualité de services, transformation numérique, rénovation du cadre des ressources humaines, organisation territoriale des services publics, modernisation de la gestion budgétaire et comptable, confiés chacun à un ministère pilote. Des plans de transformation devaient être élaborés au début de 2018. Enfin, un Forum de l’action publique a été mis en place en novembre 2017 pour permettre aux usagers et aux fonctionnaires de participer aux débats, grâce à une plate-forme numérique et à des réunions organisées sur le territoire. Les ministres concernés (G. Darmanin et O. Dussopt) ont présenté le 2 mai les conclusions de ce forum.

Le communiqué officiel souligne « un attachement profond aux valeurs du service public », « des interrogations, de l’incompréhension ou encore du scepticisme sur la façon dont sont aujourd’hui rendus certains services au public », « un besoin très net de souplesse et d’autonomie dans l’exercice des fonctions, de plus grande valorisation du travail effectué, mais aussi beaucoup d’enthousiasme, d’énergie, de capacité de projection et d’engagement au niveau des collectifs de travail ».

L’analyse détaillée (du moins pour la partie consultation numérique) est de tonalité différente :  elle témoigne certes d’un attachement aux valeurs du service public mais insiste sur un constat de dégradation partagée par les agents (à 66 %) et les usagers (à 60 %), imputé le plus souvent à la réduction des moyens et des effectifs. En particulier, certaines missions du service public, assurer la protection des plus fragiles ou s’adapter aux évolutions de la société, sont mal assurées (selon les fonctionnaires, respectivement à 35 % et 38 %). Les attentes portent, sans surprises, sur des services plus personnalisés, plus simples, plus accessibles mais la dématérialisation, si elle est considérée comme un progrès, est aussi vue comme une source de dégradation du service notamment si elle est généralisée. Les agents et les usagers qui ont donné leur avis veulent garder intact le périmètre actuel des services publics et demandent un renforcement des moyens dans les secteurs clefs que sont pour eux la santé, l’éducation, la sécurité et les transports. Si toute un part des participants aux réunions évoque avec joie un meilleur accompagnement RH, une amélioration des conditions de travail, des parcours professionnels plus riches et plus diversifiés, des employeurs attentifs (qui dira l’inanité des consultations sur de tels thèmes ? ce qui est étonnant, c’est que des personnes acceptent d’y répondre…), c’est bien le diagnostic de départ qui est intéressant. Il va exactement à l’encontre du discours des responsables : ceux-ci sont à la recherche d’économies et les personnes consultées leur demandent un renforcement de l’action publique ; ils veulent une numérisation la plus large possible, les personnels et usagers se méfient d’une numérisation totale ; ils pensent que la qualité dépend de l’implication des agents, on leur dit que c’est une question de moyens. Il est vrai que les réponses à la consultation (9975 agents, 7137 usagers) ne peuvent être scientifiquement considérées comme représentatives. Leur faible nombre est, au demeurant, un révélateur : la consultation n’en était pas vraiment une et tout le monde le savait.