Liberté de choisir son avenir professionnel : un bing-bang institutionnel

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Liberté de choisir son avenir professionnel : un bing-bang institutionnel

Le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » vient d’être adopté en Conseil des ministres.  Les choix du gouvernement sur l’assurance chômage et sur la formation professionnelle ont été annoncés il y a déjà plusieurs semaines : détermination des conditions d’accès à l’assurance chômage pour les démissionnaires (sous condition d’ancienneté) et les non-salariés (indemnisation forfaitaire, pour l’essentiel en cas de liquidation judiciaire) ;  intervention de l’Etat dans le régime d’assurance chômage, par l’établissement d’un document de « cadrage » avant la négociation de la convention d’assurance chômage et la possibilité pour l’Etat de mettre en place, par décret, si les négociations par branche engagées sur ce point échouent, un système de bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage ; évolution des règles sur le contrôle des demandeurs d’emploi ; évolution du fonctionnement du compte personnel de formation, libellé en euros, avec élargissement des formations éligibles et facilité de consultation et d’utilisation ; compétence données aux branches professionnelles pour gérer l’apprentissage ; nouveaux services offerts aux personnes dans le domaine de l’orientation professionnelle et en ce qui concerne la qualité des formations. Ce dont on ne se rendait sans doute pas bien compte, c’est l’importance du bouleversement institutionnel auquel l’ensemble des arbitrages du gouvernement va conduire.

La nouvelle contribution unique des entreprises destinée à financer la formation professionnelle et l’apprentissage sera recouvrée par les URSSAF et non plus par les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), au plus tard en 2021. Les OPCA vont devenir des opérateurs de compétences, qui se consacrent au financement de l’alternance et au conseil aux branches professionnelles. Nul ne sait si leurs moyens humains actuels sont proportionnés, excessifs (dans ce cas il leur faudra licencier) ou sous-dimensionnés par rapport à leurs nouvelles missions. Les branches seront désormais compétentes pour l’ouverture des Centres de formation d’apprentis : il leur appartiendra de définir le coût de prise en charge des contrats d’apprentissage, aidées par les opérateurs de compétences (sont-elles outillées ? L’aide des opérateurs de compétences suffira-t-elle ?). Les CFA seront désormais financés au contrat :  auront-ils une assise financière solide ?

Un nouvel établissement public national de l’Etat, France compétences, qui associe les Régions et les partenaires sociaux, sera chargé d’animer et de réguler la formation professionnelle :   c’est lui qui procède aux péréquations régionales et interbranches des recettes de la contribution unique pour la formation professionnelle et l’apprentissage et qui finance le conseil en évolution professionnelle. C’est lui qui est chargé d’observer les coûts et les formations et d’émettre un avis sur le référentiel de certification des organismes de formation. Les opérateurs de conseil en orientation professionnelle (jusqu’ici Pôle emploi, CAP emploi, l’APEC, certains OPCA, les missions locales) seront désormais choisis par appel d’offres par France compétences. C’est également France compétences qui désormais se prononce sur les demandes d’enregistrement des certifications professionnelles.

Le projet instaure une obligation de certification pour tout organisme financé sur fonds publics ou mutualisés (il en existerait 76 000). La certification s’appuiera sur des critères définis par décret en Conseil d’Etat et un référentiel destiné à leur mise en œuvre. Les CFA, dont la création est beaucoup plus aisée qu’auparavant (une simple déclaration d’activité suffira) doivent être également certifiés et un contrôle pédagogique sera exercé pour garantir la qualité des formations dispensées, par l’Etat mais aussi par les branches professionnelles et les chambres consulaires.

Enfin, le projet entend donner aux régions des responsabilités élargies concernant l’information des élèves sur les métiers et les formations, en tenant mieux compte de l’offre de formation régionale et les besoins économiques locaux. il attribue aux régions les compétences qui sont aujourd’hui exercées par les délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP). Les régions agiront cependant avec le concours de l’ONISEP.

La mise en place de ces nouvelles compétences et institutions va prendre des années. Si l’on ajoute à cela l’inquiétude sur l’avenir de l’UNEDIC (certains partenaires patronaux commencent à se demander si le paritarisme en ce domaine mérite d’être maintenu compte tenu de la place désormais prise par l’Etat), l’on mesure que la dimension organisationnelle ne sera pas une question marginale et que, de ce fait, l’efficacité attendue de la réforme ne sera sans doute pas immédiate.