Le verrou de Bercy va-t-il enfin céder?

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Le verrou de Bercy va-t-il enfin céder?

La création par une loi du 6 décembre 2013, à la suite de l’affaire Cahuzac, d’un Parquet national financier (PNF), compétent dans les affaires complexes de fraude fiscale ou d’atteinte à la probité, entendait renforcer l’efficacité de la répression de la délinquance économique et financière. Le PNF a depuis lors prouvé son utilité, même si sa création n’a pas mis fin à la disposition (article L 228 du Livre des procédures fiscales) qui permet au ministère chargé du budget de décider seul de poursuites en cas de fraude fiscale, ce qui conduit à dispenser de sanction pénale les délinquants qui acceptent une transaction financière. Cette disposition, appelée « verrou de Bercy », est de plus en plus contestée, au nom de l’égalité entre contribuables et des risques d’opacité et d’arbitraire qu’elle présente. Il est vrai que le Conseil constitutionnel (décision du 22 juillet 2016) considère, dans sa grande sagesse, que le monopole du ministère chargé du budget sur l’engagement de poursuites pénales à l’égard des fraudeurs fiscaux ne méconnaît ni le principe d’égalité devant la loi, ni l’indépendance de l’autorité judiciaire ni le principe de séparation des pouvoirs ni la nécessité des peines…décision qui laisse rêveur. Le verrou de Bercy a déjà été aménagé : une « Commission des infractions fiscales », composée de magistrats et de personnalités qualifiées, choisit les dossiers qu’il lui semble nécessaire d’orienter vers la justice. Reste que l’existence même d’exceptions est choquante, d’autant que c’est l’administration fiscale qui saisit la Commission et que celle-ci a défini, « par jurisprudence », les critères des éventuelles poursuites pénales qui devraient bien évidemment relever de la loi. L’administration fiscale fait valoir des arguments, qui, pour l’essentiel, tiennent à l’efficacité et à la crainte que l’engorgement du parquet freine le recouvrement de l’impôt. En 2017, après un vif débat à l’Assemblée nationale, il a été décidé qu’un rapport parlementaire étudierait les réformes envisageables. Ce rapport a été remis fin mai : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i0982.pdf. Il propose un aménagement des relations entre le fisc et la justice  et un examen conjoint des gros dossiers de fraude et, surtout, une définition précise des critères conduisant à poursuites pénales. Cette collaboration systématique serait un progrès, mais elle ne ferait pas pour autant entrer la fraude fiscale dans le droit commun, où le parquet décide de l’opportunité des poursuites : il est vrai que cette fraude est complexe, foisonnante et que ce sont les agents du ministère des finances qui sont les mieux armés pour la détecter et, pour une part, en évaluer la gravité et la réprimer. La réforme proposée reste un peu bancale sur le plan théorique mais elle présente l’avantage de fixer officiellement par la loi les critères de transmission à la justice. Elle est donc bien plus satisfaisante que la situation actuelle. Le Parlement devrait l’examiner dans les mois qui viennent : le verrou de Bercy va très probablement sauter.