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Anticor : progresser dans la moralisation de la vie politique

L’association Anticor a déposé en juin 2018 une plainte contre X concernant les comptes de campagne 2017 de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélanchon, Emmanuel Macron et Benoît Hamon. Elle vise clairement, outre les partis organisateurs des campagnes, les entreprises impliquées dans les sur et sous facturations (selon le cas, sur facturation aux associations ou entreprises proches du parti en cause, comme cela a été dit pour la campagne de J-L Mélanchon, ou sous facturation par des entreprises « amies », comme cela a été soupçonné pour les comptes d’Emmanuel Macron). Dans le premier cas, le dispositif violerait les dispositions interdisant le détournement d’argent public à des fins d’enrichissement personnel. Dans le second, c’est l’interdiction du financement des partis par des personnes morales qui ne serait pas respectée.  Surtout, c’est le contrôle, jugé insuffisant, de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques qui est en cause : les campagnes présidentielles de 2012 et de 2017 ont montré la faiblesse du contrôle exercé par cet organisme doté de peu de moyens mais surtout d’une volonté molle : en 2012, celle-ci a validé des comptes dont l’affaire Bygmalion a montré la totale inexactitude et, en 2017, un de ses rapporteurs a démissionné en dénonçant une excessive « tolérance » sur les comptes de campagne de J-L Mélanchon, tandis que la validation des comptes des autres candidats faisait aussi l’objet dans le grand public d’interrogations à peine interrogatives.

Le débat est compliqué, non pas sur le plan de l’éthique (sur ce plan, il paraît clair) mais sur le plan juridique : le président de la Commission des comptes de campagne avance, de bonne foi sans doute, que les sous et sur facturations s’apprécient en fonction des prix du marché et que ces prix n’existent pas, surtout dans le domaine de la communication et de l’événementiel, surtout (c’est ce que plaide B. Hamon), quand les commandes sont passées trop tard. L’on peut toutefois ricaner sur les remises de 90 % obtenues parfois par le concurrent Macron…et s’interroger sur la cohérence avec les « prix de revient » de l’entreprise qui les accepte.  L’on arrive bien, sur le plan commercial, à interdire certaines formes de ventes à perte, pourquoi n’y parviendrait-on pas dans le domaine des campagnes électorales ? Par ailleurs, la notion de conflits d’intérêts devrait trouver à s’appliquer quand le prestataire de services appartient à l’équipe de campagne du candidat et, là aussi, le rapprochement avec les dépenses réelles devrait pouvoir s’exercer pour dénoncer des détournements. Cependant, le parquet de Paris risque de juger que la justice n’est pas compétente pour répondre aux questions qui lui sont posées sur ce point par la plainte d’Anticor (la justice veut des plaintes étayées, pas des questions) et renverra sans doute à l’appréciation de la commission compétente ou à une réforme des règles. En fait, le débat est surtout de savoir comment l’on pourrait opérer à l’avenir pour éviter des dérives malgré tout évidentes : Anticor propose que la Cour des comptes certifie les comptes des partis politiques.  Cette proposition se heurte pour l’instant à des obstacles juridiques : lors de la préparation de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, le Conseil d’État a déconseillé au gouvernement d’y inscrire l’obligation faite aux formations politiques de séparer les fonctions d’ordonnateur et de payeur de leurs dépenses, au motif qu’elle serait contraire à la Constitution qui garantit la liberté de l’activité des partis. Il en a été de même du projet de confier à la Cour des comptes la certification des comptes des partis, jugée contraire à la liberté d’entreprendre des commissaires aux comptes. Autrement dit, les partis gagnent sur tous les tableaux : leur liberté est protégée constitutionnellement, ce qui est la moindre des choses mais ne devrait pas les exonérer de tout « rendu compte » de la gestion de l’argent public reçu.  Ils restent pour autant des intervenants privés dont le Président de la commission de vérification des comptes de campagne souligne bien qu’ils ont toute liberté pour choisir leurs prestataires. En fait, la question est moins juridique que culturelle : le refus de légiférer en ce domaine revient à admettre une forme de corruption que l’on ne saurait pas circonscrire et à laquelle on se résigne. Il reste alors difficile d’expliquer aux électeurs que, malgré des dispositifs de vérification, l’on ne parvient à empêcher ni dérives, ni abus. Un jour ou l’autre, il faudra resserrer la réglementation…