Cour des comptes : sombre avenir pour les finances publiques

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Cour des comptes : sombre avenir pour les finances publiques

La Cour des comptes établit son constat de fin de printemps sur les finances publiques : elle revient sur le niveau du déficit public 2017 qui, sous les 3 %, retrouve le niveau de 2007 (-2,6 % du PIB) mais avec 3 points de plus pour les prélèvements obligatoires et une dette publique passée de 60 points de PIB il y a dix ans à près de 97 points aujourd’hui. La prévision de déficit pour 2018 (-2,3 points de PIB) est, selon la Cour, atteignable même si elle reste un peu optimiste. Mais c’est surtout sur la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 (qui prévoit le retour à l’équilibre des finances publiques en 2022) que la Cour exprime des doutes forts. La Cour considère que la trajectoire prévue est affectée de quatre fragilités. La première est que les prévisions de croissance sont trop optimistes : la croissance dépasserait, de 2017 à 2022, la croissance dite « potentielle », ce qui n’a jamais été le cas sur une aussi longue période. Dans son avis sur la loi de programmation, le Haut Conseil des finances publiques a souligné qu’il peut arriver que la croissance réelle soit supérieure à la croissance potentielle (celle à laquelle on parvient lorsque sont mobilisés de manière optimale tous les facteurs de production disponibles) mais avec un environnement international très porteur (le risque est fort que tel ne soit pas le cas) et des politiques monétaire et budgétaire accommodantes, ce qui n’est pas cohérent avec les efforts budgétaires et en termes de taux d’intérêt prévus à partir de 2020.  Seconde difficulté, les recettes prévues n’intègrent pas la baisse de la taxe d’habitation pourtant déjà mise en œuvre. Troisième fragilité, l’ampleur de la réduction des dépenses publiques (celles-ci doivent, sur la période, se stabiliser puis diminuer en volume, passant (si l’on exclut le prélèvement UE et la charge d’intérêts), d’une croissance en volume de + 1,2 % en début de période à + 0,2 % en 2022) n’est pas, en juin 2018, « documentée » : les propositions du Comité Action publique 2022 ne sont pas (et ne seront pas) publiées et l’on ne connaît pas à ce jour les leviers qui permettront aux pouvoirs publics de parvenir à un freinage aussi important. Par ailleurs, il existe des facteurs de hausse des dépenses : plan haut débit, service national, contentieux fiscaux…Enfin, les prévisions du programme de stabilité impliquent un net excédent des ASSO qui devrait être partiellement transféré à l’Etat : or, l’effet des réformes des retraites de 2010 et de 2014 est en train de s’estomper et une nette restriction de la croissance de l’ONDAM en volume est peu vraisemblable. Les prévisions impliquent aussi un excédent des collectivités territoriales atteignant 0,7 % du PIB en 2022, sachant que les collectivités n’ont aucune raison d’être en excédent et préféreront sans doute investir davantage ou réduire les impôts.  Conclusion : les objectifs de programmation des finances publiques sont très ambitieux mais l’on ne voit pas par quels moyens concrets ils seraient atteignables. Tout cela est inquiétant, pour les finances publiques tout d’abord mais aussi pour la crédibilité de la parole publique : les promesses du nouveau président étaient fermes et la Cour des comptes donne toutes raisons de penser qu’elles ne seront pas parfaitement remplies. La réponse du ministre des comptes publics ne permet pas d’être, sur ce point, rassuré : il répond sur tous les points (y compris sur l’absence d’ambition dans les choix de pilotage de la loi de programmation) mais ne dit pas un mot sur le caractère peu vraisemblable des prévisions 2018-2022.