Révision constitutionnelle : jouer sur les mots

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Révision constitutionnelle : jouer sur les mots

Le projet de révision de la constitution transmis à l’Assemblée nationale intégrait dans l’article 34 (qui porte sur les matières réservées à la loi) une compétence portant sur « l’action contre les changements climatiques ».  La disposition a laissé les juristes rêveurs, en premier le Conseil d’Etat qui notait que la disposition aurait peu d’incidence sur les compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire mais se résignait à la laisser là parce qu’une telle action est primordiale et que le simple fait de l’évoquer en témoigne un peu. Pour autant, cette inscription était dénuée de sens : comme les commentateurs l’ont souligné, avant la révision constitutionnelle, le Parlement pouvait voter sur le climat des dispositions sans force et sans intérêt, après, avec une telle disposition, eh bien, il le pouvait aussi. Inscrire la lutte contre les changements climatiques dans la Constitution n’aura de sens et de poids que si cette action figure au rang des objectifs à poursuivre. La Commission des lois de l’Assemblée nationale, à juste titre, a changé cette disposition de place (elle figure désormais à l’article 1) et l’a réécrite : « La France agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». Très bien ! même si l’on mesure que cette déclaration d’intentions devra, pour exister vraiment, s’incarner dans des dispositions plus concrètes, il y a là un minimum d’engagements et cette affirmation pourra être utile (rêvons un peu) pour juger inconstitutionnelle une loi qui irait dans un sens opposé. La Commission des lois en a profité pour supprimer le mot race de l’article 1 de la Constitution. L’égalité sera désormais assurée sans distinction de sexe, d’origine et de religion mais la race n’est plus là. Les parlementaires, en faisant disparaître le mot, pensent faire disparaître le racisme. Mais même si les races n’existaient pas, le racisme lui, est bien là et, tous les jours, il est créateur d’inégalités insupportables. En refusant d’affirmer que la France le combat, les parlementaires porte un coup à la protection des « minorités visibles ». Le débat fait irrésistiblement penser à celui sur les statistiques ethniques : mesurer les inégalités entre noirs et blancs ne devrait pas être autorisé, disent certains, puisque la Nation ne reconnaît pas de différence entre les deux. Certes, certes…mais les inégalités existent et en mesurer l’ampleur n’est pas inutile…Le pragmatisme anglo-saxon nous paraît tout à coup sympathique, loin des arguties doctrinales qui conduisent, par purisme, à fragiliser la lutte contre le racisme.