Un coup de pouce au SMIC au 1er janvier?

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Un coup de pouce au SMIC au 1er janvier?

Les gilets jaunes demandent une revalorisation spécifique du SMIC au 1er janvier, au-delà de la revalorisation légale, et évoquent parfois un SMIC net de 1300€. En novembre dernier le Premier ministre a expliqué qu’il n’y était pas favorable. Rappelons que le SMIC (aujourd’hui, en arrondissant, 1499€ bruts et 1185€ nets) est, depuis le décret du 7 février 2013, revalorisé au 1er janvier de chaque année, en tenant compte à la fois de l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation des ménages les plus modestes (le quartile inférieur), mais aussi du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés (le SMIC est revalorisé sur la base de la moitié de cette augmentation). Les pouvoirs publics ont la possibilité d’aller au-delà, mais ne l’ont plus fait depuis 2012. Le SMIC est en outre revalorisé en cours d’année lorsque l’inflation dépasse un certain niveau (2 %). L’application des règles d’indexation automatique conduirait à une revalorisation de 1,8 % environ au 1er janvier 2019, sachant que le Premier ministre a un peu gonflé ce chiffre lors de sa présentation (il a évoqué 3 %), parce qu’il y a ajouté l’impact, en octobre 2018, de la disparition de la cotisation salariale chômage (résiduelle depuis la hausse de la CSG en début d’année) et la revalorisation de la prime d’activité.

Un économiste, Thomas Gajdos, plaide néanmoins dans le Monde du 6 décembre (www.lemonde.fr/idees/article/2018/12/06/une-augmentation-du-smic-pourrait-permettre-de-corriger-un-peu-les-desequilibres_5393276_3232.html) pour une revalorisation du SMIC afin d’améliorer l’évolution prévue des revenus disponibles des déciles les plus modestes (- 1 % sur 2018 et 2019) en comparaison de l’évolution des revenus des 1 % les plus riches (+ 6 %), frange de la population sur laquelle se focalise souvent la mesure des inégalités. Surtout, T. Gajdos réfute l’analyse de nombre d’économistes selon laquelle une augmentation trop forte du SMIC conduirait à détruire des emplois. Cette thèse est pourtant régulièrement reprise par le rapport annuel du Comité d’experts qui conseille le gouvernement sur une éventuelle augmentation du SMIC : les rapports du Comité ont même proposé de modifier l’indexation du SMIC pour ralentir son évolution, car ils jugent que l’augmentation du SMIC a un effet de contagion sur les tranches de salaire proches, avec le risque d’effets néfastes sur l’emploi peu qualifié. Deux remarques sur ce débat qu’il faudrait exposer plus en détail pour étayer une opinion : d’une part, l’analyse selon laquelle un SMIC trop élevé réduit l’emploi est tellement partagée (y compris par les économistes de l’OFCE, peu soupçonnables de vouloir réduire les bas revenus) qu’il y a consensus depuis des décennies pour maintenir voire amplifier les exonérations de charges sur les bas salaires, au nom précisément de la défense de l’emploi  (un niveau « zéro charges » au niveau du SMIC se met d’ailleurs en place en 2019).D’autre part, T. Gajdos,  pour infirmer l’analyse d’effets nocifs d’une augmentation du SMIC sur l’emploi, se réfère à des études américaines qui étudient l’effet d’une telle augmentation au Etats-Unis et ne constatent pas de destructions d’emplois, au contraire. Pour autant, les conclusions de toutes les études menées aux Etats-Unis sur ce sujet ne sont pas identiques et comment comparer les effets d’un SMIC français qui atteint 62 % du salaire médian et d’un SMIC américain, situé bien plus bas, à 36 % ?

Pour refuser un « coup de pouce » au SMIC, Edouard Philipe pense sans doute au coût pour les entreprises et pour l’Etat, qui supporte les exonérations de cotisations bas salaires. Ce ne sont peut-être pas de bonnes raisons, opposables à des catégories qui réclament plus de pouvoir d’achat. Toutefois, outre la crainte d’un effet sur l’emploi peu qualifié, le groupe d’experts en avance un autre, très convaincant en ce domaine : l’augmentation du SMIC n’est pas un bon outil de lutte contre la pauvreté. Celle-ci est souvent liée à des temps partiels non choisis (sur lesquels l’augmentation du salaire minimum horaire a des effets minimes) et à la charge d’enfants, notamment dans les familles monoparentales.  Il recommande d’augmenter plutôt la prime d’activité, plus juste parce qu’elle compense une faible quotité de travail et tient compte de la composition des familles. Le hic est bien sûr que c’est l’Etat qui la paye…mais, si quelque chose doit être fait, autant agir effectivement sur cette prestation.