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Echec des négociations sur l’assurance chômage : l’échec des corps intermédiaires?

Depuis plusieurs années, L’Etat s’inquiète de la situation financière de l’assurance chômage (la dette atteint 35 Mds en 2018) et de la dégradation du marché de l’emploi créée par la multiplication des contrats courts : un numéro d’Insee Première de février 2019 rappelle qu’en 2017, 1,2 millions de salariés occupaient un emploi court de moins de 3 mois, que 75 % des embauches, hors intérim, concernaient un emploi court, que 17 % des salariés en contrat court vivaient sous le seuil de pauvreté et que les personnes en contrat court alternaient, bien plus que les autres, périodes de travail, chômage et inactivité, situation qui les place en insécurité constante.   Longtemps, l’Etat a cherché simplement à influencer la négociation conventionnelle pour que des solutions soient trouvées (elles l’ont été, en partie, par l’accord du 13 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi qui a surtaxé les contrats courts mais avec tant d’exceptions qu’il n’y a eu aucun résultat et que la convention d’assurance chômage de 2017 y a renoncé). La loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 change de méthode : elle comporte une disposition permettant à l’Etat, avant toute négociation conventionnelle, d’établir à destination des partenaires sociaux un « document de cadrage » portant sur la trajectoire financière souhaitée du régime d’assurance chômage et sur l’évolution des règles du régime. L’agrément de la convention tiendra compte de la compatibilité entre ce texte et la lettre de cadrage. Si la trajectoire financière s’écarte ensuite de la trajectoire souhaitée, l’Etat pourra demander aux partenaires sociaux de prendre des mesures correctives et, en cas d’inaction, mettre fin à l’agrément.  De plus, en septembre 2018, l’Etat a demandé aux partenaires sociaux de négocier des amendements à l’actuelle convention. Dans la lettre de cadrage qu’il leur a adressée, l’Etat leur demande de prendre des dispositions pour corriger la situation actuelle sur la multiplication des embauches en CDD, qui pèse sur la situation financière du régime ;  sur les règles de cumul entre activité réduite et indemnités chômage, qui installent nombre de demandeurs d’emploi dans une « précarité durable » ; sur la différence des règles à appliquer aux différentes catégories, alors qu’elles sont aujourd’hui identiques, ce qui ne serait pas équitable ; sur une meilleure articulation entre les régimes d’assurance et de solidarité, le cas échéant par la création, au sein du régime d’assurance, d’une allocation chômage de longue durée sous condition de ressources.

La négociation, qui a duré de longs mois, se clôt aujourd’hui par un échec, au demeurant prévisible : les représentants patronaux avaient pesé en 2017 pour l’abandon de la pénalisation financière des contrats courts et ne veulent pas brider les droits des entreprises. Les syndicats de salariés savaient que, si le régime n’économisait pas sur les contrats courts (qui pèsent très lourdement sur son équilibre financier), les droits des assurés auraient dû être rabotés. L’échec est toutefois désolant, voire pathétique : il tombe au pire moment, sans que l’on mesure si l’Etat est réellement en capacité d’étatiser le régime, intention qu’il a sans doute caressée un moment mais qui, peut-être, aujourd’hui, n’est plus, politiquement, à sa portée, d’autant qu’il lui faudrait alors prendre des décisions impopulaires de rééquilibrage financier. A la suite de la rupture des négociations, le Président de la République a ironisé sur l’incapacité des « corps intermédiaire » et de la « démocratie sociale » à traiter les problèmes. Les partenaires sociaux ont répliqué qu’avec une lettre de cadrage fixant des objectifs impossibles à atteindre, ils n’étaient pas en mesure de réussir. De fait, la stratégie gouvernementale n’est pas la bonne. Il ne suffit pas d’exiger que les partenaires sociaux prennent les décisions pour atteindre les objectifs que l’on se fixe : sans doute faut-il alors s’impliquer dans la négociation et, au moins, la faciliter. Et sans doute éviter l’ironie devant l’échec des autres…