Réduction en trompe l’oeil des produits phytosanitaires, fausse sortie du glyphosate : les lobbies à la barre

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Réduction en trompe l’oeil des produits phytosanitaires, fausse sortie du glyphosate : les lobbies à la barre

Le plan Ecophyto II de 2015 prévoit une réduction de l’usage des produits phytosanitaires de 25 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2025. La FNSEA, principal syndicat agricole, qui a toujours plaidé contre toute mesure restrictive en ce domaine et pour le recul de l’échéance fixée, a élaboré un « contrat de solutions » pour, dit-elle, fournir aux agriculteurs des solutions alternatives à l’utilisation intensive des produits. Le Ministre de l’agriculture a accepté de signer le préambule de ce texte au Salon de l’agriculture en février dernier. Peut-être ne s’est-il pas rendu compte d’une part que le texte ne s’engageait qu’à reculons (« tout mettre en œuvre pour y arriver, sans naturellement laisser les agriculteurs dans l’impasse »), d’autre part qu’il était signé non pas seulement par des agriculteurs mais aussi par des fabricants d’herbicides-pesticides, comme l’UIPP, Union des industries de la protection des plantes ? Il aurait dû s’informer : le site de l’UIPP regorge de commentaires sur les peurs infondées des écologistes (évoquant ainsi « la communication délibérément anxiogène » du livre « Nous voulons des coquelicots », septembre 2018) ou sur la politique du gouvernement (« Sortie du glyphosate : le gouvernement cherche-t-il de nouvelles solutions ou juste de nouveaux électeurs ? », 22 juin 2018). D’autres lobbies, notamment celui du « Biocontrôle », ont également signé le contrat des deux mains, dans l’espoir de récupérer des marchés alternatifs. La Confédération paysanne dit drôlement que c’est comme si on confiait à Pernod-Ricard la sortie de l’alcool. La signature d’un ministre doit-elle côtoyer celle des lobbies ?

Cette signature a pris place dans un contexte troublé où le glyphosate revient sur le devant de la scène : l’on se souvient du refus d’inscrire dans la loi Alimentation l’engagement présidentiel de novembre 2017 d’interdire le glyphosate dans les 3 ans au plus tard. L’engagement est donc resté oral, ce qui a permis au Président, lors d’une réunion du Grand débat, le 24 janvier 2019, de dire que, selon lui, on n’y arriverait pas dans ce délai. Les lobbies savent y faire pour expliquer à l’Etat qu’il risque de « tuer une filière » en veillant sur la santé publique. La déclaration va donc permettre à ceux qui s’interrogeaient de bonne foi sur les méthodes alternatives de se rendormir. Pas tout à fait cependant : le 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté de mise sur le marché d’un produit contenant du glyphosate, le Round-up Pro 360, au motif que l’ANSES (l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui a autorisé cette mise sur le marché, avait commis une erreur manifeste d’appréciation au regard du principe de précaution. Le produit est donc interdit (mais seul ce produit l’est : le Tribunal indique que les études montrent qu’il est “plus toxique” que le glyphosate » et est « susceptible de nuire de manière grave à la santé humaine »). L’ANSES, qui a toujours indiqué que le glyphosate n’avait pas d’effet cancérogène, annonce une nième étude sur la dangerosité de ce produit. Qui surveillera l’intégrité des experts ?