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Mineurs non accompagnés : la justice a peu d’états d’âme

Le Code de l’action sociale et des familles prévoit que les mineurs étrangers isolés doivent être pris en charge par les services de l’ASE. Cependant, ceux-ci rechignent parfois à le faire, arguant des risques de fraude à la minorité compte tenu de l’absence de documents d’identité fiables. L’Etat a mis en place depuis 2016 une procédure d’évaluation harmonisée de la situation des mineurs pour vérifier tant leur isolement que leur minorité : vérification de l’authenticité des documents d’état-civil s’il en existe, entretien social et surtout procédure prévue à l’article 388 du Code civil, examen radiologique osseux réalisé sur décision judiciaire et après accord du mineur. Cet article indique toutefois que les conclusions des tests ne peuvent permettre à elles seules de déterminer la minorité. Les tests sont pourtant utilisés ainsi. Le Conseil constitutionnel a donc été saisi d’une QPC soutenue par le Défenseur des droits, formée par un jeune non admis à l’ASE pour avoir refusé de passer ces tests. La question portait sur la constitutionnalité de dispositions de l’article 388 qui prévoient, pour établir l’âge, le recours à une procédure dépourvue de fiabilité selon tous les avis scientifiques et qui peut conduire à méconnaître la protection due aux enfants et donc leur intérêt supérieur. De plus, en autorisant un examen dépourvu de finalité médicale sans le consentement réel de l’enfant, l’article 388 serait attentatoire à la dignité. Enfin, le recours à l’examen osseux est prévu en l’absence de documents d’identité valables sans que cette notion soit définie.

Dans sa décision 2018-768 du 21 mars 2019, le juge constitutionnel balaie les deux derniers arguments : l’examen est prescrit par un juge capable de vérifier que les conditions pour le prescrire sont remplies ; il n’est pratiqué que si l’enfant donne un « consentement éclairé » ; il n’est ni douloureux ni intrusif et il est pratiqué par un médecin, bref, il n’est pas attentatoire à la dignité. Qu’importe que le consentement que donne un mineur isolé parfois apeuré devant des autorités qui réclament l’examen et font un chantage à l’admission manque un peu de consistance. Le Conseil s’attache davantage au premier argument : il reconnaît que cet examen est entaché par des marges d’erreur significatives. Il indique donc que ce ne peut être l’unique fondement d’un refus et que, en cas de doute, les autorités publiques doivent accepter l’enfant en tant que mineur dans leur service. Au final il autorise le recours au test osseux mais en recommandant de prendre des précautions. La décision est apparemment raisonnable. Elle fait toutefois penser aux condamnations que prononçait, il y a bien longtemps, les juges de l’Inquisition : un quart de preuve ne suffit pas, certes. Mais un quart de preuve ajouté à un autre quart de preuve puis à une demi-preuve, on arrive à une preuve entière et l’on peut mettre une personne à mort. Le mineur se présente sans papiers, c’est le premier quart de preuve. Il ne convainc pas la personne qui mène son entretien d’évaluation, c’est le deuxième quart ; et l’examen osseux apporte la moitié de preuve qui complète le tout. Dans ces dossiers, tout est douteux, même l’entretien mené par un personne pas toujours bienveillante et qui n’est pas omnisciente. Le Conseil constitutionnel ne veut pas voir la situation globalement : l’examen manque de fiabilité, alors pourquoi le faire ? On n’en tire aucune certitude…Les autorités départementales ajouteront un regard fuyant lors de l’entretien, une attitude qui serait trop « adulte », des papiers trafiqués et hop, ce sera fini. Mais bon : faire subir à une personne fragile un examen non fiable qui va contribuer (même partiellement) à ce que lui soit refusé un droit essentiel, c’est conforme à la Constitution.