Elections européennes: la place des frontières

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Elections européennes: la place des frontières

Même la voix d’enfant, dans le petit film de communication qui assimile le vote aux élections européennes au bonheur de la naissance, mentionne la nécessité de « sécuriser les frontières » de l’Europe, face, il est vrai, au terrorisme. Que retenir d’autre en effet de la campagne électorale, sinon ce thème obsessionnel d’une Europe fermée aux migrations, les demandeurs d’asile n’étant pas vraiment distingués des autres migrants. Sans même mentionner le Rassemblement national, qui porte toujours les thèmes de la submersion migratoire et, moins ouvertement, du « grand remplacement », le très catholique tête de liste LR F-X Bellamy reprend des thèmes qui, il y a encore quelques années, n’appartenaient qu’à l’extrême droite :  il évoque « l’immigration massive qui menace notre pays », la nécessité de refuser les prestations sociales aux migrants extra-européens et la mise en place d’un « bouclier européen » anti-islamiste. Le programme de LREM flirte, de plus loin, avec ce thème, qui indique vouloir « Faire respecter nos valeurs et nos frontières » (notons le rapprochement des deux termes) et atteindre 10 000 garde-frontières dans l’Agence européenne Frontex pour contrôler les flux migratoires. LREM entend aussi, suivant la proposition du Président de la République, redessiner l’espace Schengen (on a un peu de mal à comprendre comment, puisque cela imposerait de modifier les traités), pour en exclure à la fois les pays qui ne contrôlent pas bien leurs frontières et ceux qui refusent d’appliquer le droit de l’asile : la proposition s’attire une remarque acide, pas vraiment infondée, de Donald Tusk, qui suggère que la France commence par respecter elle-même ces droits. Pour autant, Tusk n’évoque guère lui aussi, dans une récente interview au Monde, que le besoin de sécurité des peuples en Europe et « la peur de ce qui est étranger et incompréhensible ». Pourtant, l’Europe est déjà une forteresse : la route des Balkans est fermée et, au fond, chacun en est satisfait. L’Union a passé avec la Turquie, en 2016, un accord qui lui permet d’y renvoyer des migrants (la Turquie serait un « pays sûr ») et la rémunère pour retenir dans des camps les migrants présumés « illégaux », le temps de faire le tri pour accepter parmi eux quelques « réinstallations ». D’autres camps existent en Grèce où les migrants attendent, des mois durant, que leur cas soit étudié. L’Italie transmet désormais aux garde côte libyens les appels de détresse qu’elle reçoit. L’Union (et la France) soutiennent ce pays dans son refus de permettre des sauvetages par des ONG en Méditerranée et aident financièrement ces même garde côte à ramener en Libye des migrants en détresse, alors que chacun sait ce qui les y attend. Pour répondre à de faibles protestations, le Ministre de l’Intérieur français s’efforce de discréditer les ONG qui intervenaient auparavant, en affirmant qu’elles aidaient les passeurs. Le Parlement européen a approuvé en avril 2019, le projet d’un renforcement budgétaire de Frontex, qui pourra disposer de ses propres avions et bateaux et de 10 000 garde-côtes à horizon 2027. Frontex pourra également passer des accords (on voit bien lesquels) avec des pays situés dans le voisinage de l’Union. Même l’ONU commence à rappeler avec insistance que la Libye n’est pas un pays sur…et que les migrations, phénomène ancien, font partie de l’évolution du monde. L’on peine à se rappeler que l’Europe s’est construite sur l’ouverture des frontières, sur l’encouragement aux échanges et sur le respect du droit.