Les ressorts culturels du populisme

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Les ressorts culturels du populisme

Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen et Martial Foucault font paraître au seuil (collection : La république des idées) un ouvrage sur « Les origines du populisme ». Ils identifient deux origines majeures : d’abord le facteur économique, avec la crise de 2008, la montée du chômage, la perte de pouvoir d’achat des classes populaires et le risque de pauvreté. La crise a nourri une colère contre des élites incapables de protéger le pays et qui ont, pour autant, moins souffert que d’autres de la détérioration de leurs conditions d’existence. Une part de la défiance ressentie envers les institutions est issue de la crise. Les auteurs considèrent cependant que le second facteur, crise civilisationnelle ou culturelle, a davantage encore nourri le populisme. La société a basculé d’une organisation en classes sociales, qui assurait une forme de sécurité et garantissait à tous une identité sociale, à une juxtaposition d’individus, certes plus émancipés mais aussi plus isolés. Certains, compte tenu des difficultés d’insertion dans le travail et de leur relégation sur des territoires défavorisés, ont subi une désocialisation radicale : leur insatisfaction est profonde, ils ressentent rarement un sentiment de bien-être et de bienveillance envers autrui et sont dans une attitude de rejet du système. L’on pense à l’analyse de F. Dubet dans « La préférence pour l’inégalité », qui insiste sur la perte d’une société dure mais inclusive, où l’intégration se faisait par le travail (salariat, luttes sociales, solidarité) et par des institutions, dont, au premier chef, l’école. L’intégration bénéficiait aussi d’une « culture nationale » partagée qui prônait certaines valeurs, dont l’égalité, la mobilité sociale, le progrès. Aujourd’hui, dit Dubet, nous sommes en deuil de cette intégration, le travail s’est fragmenté, l’entreprise est moins solidaire, le patron ne pense que finances et la société nationale devient pluriculturelle. L’ouvrage « L’origine des populismes » distingue cependant deux populismes différents dont il ne pense pas qu’ils puissent un jour s’allier tant ils sont divergents : les deux familles (celle de J-L Mélanchon et de celle de M. Le Pen) ont certes en commun la détestation du système et le rejet des élites, des journalistes, des experts. Mais la première a un niveau de confiance envers les autres élevé, elle croit que des projets sont possibles et juge positivement la redistribution. La seconde a un rapport dégradé à autrui, rejette les minorités mais à vrai dire se méfie de tous, n’éprouve aucune confiance dans l’avenir et rejette toute redistribution. Elle s’avère au demeurant peu capable de construire et de défendre un projet, pratiquant une politique du ressentiment. Au final, après la crise des Gilets jaunes, plutôt lepénistes, la situation en France reste éruptive : le clivage traditionnel entre la droite et la gauche s’efface (sans totalement disparaître) remplacé par un clivage entre ceux qui prônent une société ouverte et ceux qui veulent la fermer.