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Taxe carbone aux frontières : quels effets?

Un Policy brief de l’OFCE-Sciences-po du 9 janvier porte sur l’empreinte carbone des ménages français et les effets d’une taxe carbone aux frontières. Rappelons que le programme de la nouvelle Commission européenne prévoit l’institution de cette taxe pour préserver les produits européens de la concurrence de produits venant de pays qui n’appliquent pas les mêmes normes environnementales. L’étude ne s’intéresse pas aux difficultés techniques et politiques de la mise en place de la taxe, qui est, en elle-même, éminemment souhaitable puisqu’elle permet de mesurer la véritable consommation de carbone d’un pays, rétablit l’équité entre entreprises et donne à l’Europe un rôle actif dans la bataille commerciale. L’on sait toutefois qu’elle serait complexe à calculer, surtout pour les produits élaborés, et que plusieurs pays européens, notamment l’Allemagne, y sont réticents dans un contexte conflictuel alimenté par les exigences américaines sur le rétablissement de son déficit extérieur. Le Policy brief s’intéresse toutefois à un autre débat : le montant de l’empreinte carbone de la France et les effets de redistribution que pourrait avoir la mise en œuvre d’une taxe aux frontières, notamment si son montant était redistribué.

L’empreinte carbone évalue les émissions de tous les gaz à effet de serre induites par la consommation des populations résidant sur le territoire national. Elle est calculée en « équivalent CO2 » (CO2e) en intégrant les émissions domestiques et les émissions importées. La note évalue l’empreinte carbone totale de la France, en 2011, à 732 millions de tonnes de CO2e avec une part importée de 47 % et une part du CO2 à 75 %, sachant que les chiffres du Commissariat général au développement durable sont légèrement différents, avec une part supérieure des importations. En valeur moyenne par habitant, ce chiffre total représente 11,27 tonnes de CO2e contre 7,5 si l’on n’inclut que les émissions domestiques. Depuis 2011, cette empreinte carbone a baissé, mais du fait des émissions domestiques alors que celles liées aux importations ont augmenté. En moyenne, si l’on raisonne non plus en individus mais en ménages, chaque ménage a une empreinte de 24,5 tonnes, dont 5 proviennent des biens de consommation et 4,6 de l’alimentation, le reste venant des services, des émissions directes, du logement et des transports.

Les études connues jusqu’ici révélaient un écart très fort, dans la production d’émissions de GES,  entre les déciles de revenu (facteur 8 entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres). L’étude ici réalisée parvient à un ratio bien plus bas de 3,9 entre les 4,7 tonnes des personnes du premier décile et les 18,4 tonnes de celles qui appartiennent au dernier décile. S’il est indéniable que le revenu est un déterminant de la production de CO2, la forte hétérogénéité de celle-ci au sein des déciles suggère que le revenu est loin d’être le seul facteur explicatif.

La note simule une taxation sur les importations de pays hors UE de 25 € la tonne et envisage une redistribution du produit de la taxe aux ménages selon diverses modalités, dont une comportant une part forfaitaire et une part décroissante avec le revenu.

La note constate d’abord que la taxe carbone aux frontières (qui représenterait 87€ par ménage contre 176€ pour la Contribution climat énergie ou CCE) est moins régressive (c’est-à-dire touche moins les ménages pauvres) que les taxations traditionnelles comme la CCE qui ne porte que sur les produits énergétiques. La taxe carbone aux frontières porte de plus sur des produits pour lesquels il existe des substitutions possibles ou dont il est possible de réduire la consommation, ce qui est moins le cas des produits énergétiques. Elle semble donc plus efficace pour réduire les GES. Ces constats suggèrent d’étendre les taxations domestiques à des produits non énergétiques. Quant aux modalités choisies de redistribution du produit de la taxe (formule mixte indiquée supra), elles permettent de rendre bénéficiaires nets 30 % des ménages (les moins fortunés), d’atténuer largement l’impact sur 40 % des ménages intermédiaires, seuls 30 % des ménages (les plus aisés) étant contributeurs. Là aussi ces constats plaident pour l’élargissement de la fiscalité verte mais à des conditions de redistribution sociale.