Dépendance, un risque nouveau qui reste à définir

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Dépendance, un risque nouveau qui reste à définir

La loi du 7 août 2020 relative à la dette publique et à l’autonomie ajoute une branche « autonomie » au régime général de la sécurité sociale et inscrit dans les principes d’organisation de la sécurité sociale que la Nation « affirme son attachement au caractère universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l’autonomie » qui est assuré par la sécurité sociale. Elle s’engage à assurer à chacun la prise en charge contre le risque de perte d’autonomie. Cette réforme organisationnelle et ces engagements de principe annonceraient des mesures d’amélioration de la prise en charge des personnes âgées qui devraient donner lieu à une loi en 2021.

Tout le monde reconnaît la nécessité d’une réforme sur le grand-âge et la préservation de l’autonomie. En 2018, après une crise sociale dans les EHPAD, Agnès Buzyn avait lancé une concertation sur ce sujet, en multipliant les déclarations d’intention plutôt creuses.  Elle avait demandé un rapport de préparation de la réforme, qui lui a été remis en mars 2019 (rapport Libault). Ce rapport, très riche, proposait des réformes ambitieuses, reposant notamment sur une conception différente de la prise en charge en établissement,  une collaboration entre les établissements et la prise en charge à domicile et la revalorisation des métiers du grand-âge. Le coût d’application des mesures était élevé (9,2 Mds à l’horizon 2030). Le gouvernement précédent a alors retardé, voire oublié, la réforme.

Aujourd’hui, la concertation et les études sont donc reprises pour améliorer la prise en charge de la dépendance mais, compte tenu des dispositions de la loi du 7 août,  personne ne comprend bien dans quel cadre organisationnel et financier la réforme va s’inscrire.

Aujourd’hui, les financements publics affectées à la perte d’autonomie des personnes âgées (hors les dépenses supportées par les personnes ou leur famille, qui sont, en l’occurrence, élevées) sont dispersées : sur un total de 21,6 Mds en 2017, la sécurité sociale supporte 12,1 Mds de dépenses de santé et de soins (56 %), l’Etat et la CNSA 4,9 Mds (23 %) et les départements, qui financent l’allocation personnalisée d’autonomie (aide en nature à domicile ou en établissement) et la prise en charge des frais d’hébergement pour les personnes qui ne peuvent les assumer, 4,6 Mds soit 21 %. La création d’un nouveau risque impliquerait de rapatrier ces divers financements dans un organisme unique, ce qui pourrait s’avérer compliqué, mais aussi de les accroître fortement pour financer les améliorations envisagées.  On saura vite ce qu’il en sera : au plus tard le 15 septembre prochain, la loi prévoit que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur les modalités de mise en œuvre du nouveau risque, notamment l’architecture juridique et financière nécessaire et les modalités de gouvernance de cette nouvelle branche.

Un point en tout cas méritera attention dans la mise en place du dispositif. Ainsi, la loi du 7 août 2020 s’engage sur une prise en charge « universelle et solidaire » due à tous. Or, la réponse aux besoins est aujourd’hui disparate selon les territoires. Une étude de la DREES (Accompagnement professionnel de la dépendance des personnes âgées, mars 2020) montre que les 400 000 professionnels ETP qui s’occupent des personnes âgées couvrent à 58 % les besoins administrativement reconnus, à domicile comme en EHPAD. Mais cette moyenne recouvre des écarts, entre 37 % et 95 % : les départements, qui attribuent l’APA et donc l’aide en nature accordée, n’en sont pas les seuls responsables, les écarts valent aussi, voire surtout, en ce qui concerne l’intervention des infirmiers libéraux à domicile. L’objectif d’équité est donc loin d’être atteint, difficulté supplémentaire dans la création d’un nouveau risque qui se veut universel et qui, pour l’instant, n’existe que sur le papier.