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Politique de la ville : selon un nième rapport, une efficacité réduite

La Cour des comptes poursuit inlassablement l’analyse de l’échec de la politique de la ville. Un rapport de 2012 (« La politique de la ville, une décennie de réformes ») soulignait un défaut de pilotage, le maintien des inégalités entre quartiers, une mauvaise articulation entre les volets  urbain et social, enfin une faible mobilisation des politiques publiques en faveur des quartiers prioritaires (QP). Un autre rapport de la Cour, publié en 2016, évoque une difficulté persistante à « clarifier les moyens mobilisés » et la faible qualité de conventions interministérielles qui ne parviennent pas à définir des orientations politiques claires. Plus grave : le rapport doutait que l’Etat dépense davantage dans les quartiers prioritaires que dans les autres.

En décembre 2020, la Cour, dans un nouveau rapport public thématique, évalue l’attractivité des quartiers prioritaires. La politique de la ville ayant pour objectif de réduire les écarts entre ces quartiers et les autres quartiers des mêmes agglomérations, l’attractivité des QP est un indicateur majeur pour en évaluer la réussite.

L’étude, qui rappelle que, hors rénovation urbaine, l’Etat consacre à la politique de la ville 10 Mds par an, évalue, sur la période 2008-2018, l’évolution de l’attractivité dans les domaines du logement, de l’éducation et de l’activité économique. Elle  veut mesurer également la contribution qu’y apportent les dispositifs publics mis en place, s’interrogeant notamment sur l’effectivité du renforcement des politiques de droit commun dont les quartiers prioritaires sont censés bénéficier.

Les conclusions ne sont pas positives : en 10 ans, l’attractivité résidentielle n’a pas progressé : les flux sortants des QP sont plus élevés que les flux entrants et les nouveaux résidents sont plus précaires que ceux qui partent.

En termes scolaires, les résultats se sont améliorés en 10 ans mais restent inférieurs à la moyenne de l’Académie dont relèvent les QP. Les dispositifs périscolaires et d’accompagnement répondent mal aux besoins de la population et sont concurrencés par l’offre d’associations qui ne travaillent pas avec les services publics.

En termes économiques,  le constat est celui d’un recul et d’une dévitalisation.

Quant aux politiques publiques, elles ont peu pesé dans ce constat : la politique de rénovation urbaine n’a pas d’impact en termes d’attractivité résidentielle et l’attribution des logements sociaux ne répond pas aux objectifs affichés d’amélioration de la mixité sociale ; dans le domaine scolaire, le dispositif des cités éducatives, qui promeut un accompagnement global des jeunes, est trop récent pour être évalué. Les dispositifs de développement économique mis en place sont inefficaces et ce sont les activités illicites qui se développent. D’une manière plus générale, il est difficile de mesurer l’intensification promise de l’effort des politiques de « droit commun » : si les QP sont bien dotés en équipements (équipements sportifs, centres sociaux…), il est très difficile de mesurer la mobilisation effective des services publics, notamment dans le domaine de la propreté, des transports, de la petite enfance. Nombre de constats insistent sur leur insuffisance.

Au final, les recommandations de la Cour s’accordent à ce constat : accroître la décentralisation des décisions et définir des projets de développement différenciés, qui s’adaptent aux spécificités des quartiers ; préciser la portée des objectifs de mixité sociale et la stratégie correspondante, notamment quant à l’attribution des logements sociaux ; intensifier les efforts d’accompagnement social, éducatif et économique pour que la rénovation urbaine puisse être elle-même plus efficace ; enfin, améliorer la connaissance et les outils de mesure des politiques dites « de droit commun » pour s’assurer que celles-ci sont effectivement renforcées et mesurer leur bonne articulation avec les politiques plus spécifiques.

Reste que ni l’objectif de meilleure évaluation ni celui d’amélioration des politiques menées n’ont jamais été pris en compte sérieusement depuis 10 ans. Il est donc douteux que le travail réalisé en 2020 par la Cour soit exploité.