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5 ans de politique d’éducation : quel bilan?

L’Institut Montaigne a fait paraître en août 2021 un bilan, plutôt positif malgré quelques réserves, du quinquennat Macron dans le domaine de l’Education : il affirme que les mesures prises entre 2017 et 2021 « forment la trame d’une importante refondation » du système éducatif. La circulaire de rentrée 2021 elle-même prend des allures triomphalistes : le ministre entend « poursuivre l’élévation du niveau général » et « le redressement en mathématiques » ; l’école, qui « a assuré la continuité des apprentissages » pendant la crise sanitaire, est décrite comme un lieu « où l’on donne plus à ceux qui ont moins pour assurer l’égalité des chances » ; ne resterait qu’à « parachever la réalisation de l’école inclusive » déjà bien engagée. 2022 se prépare…

Peut-on établir un bilan du quinquennat dans le domaine de l’éducation ? Pour le dresser, il faut d’abord évoquer l’héritage d’avant 2017, qui permettait de dresser la hiérarchie des urgences, puis examiner comment elles ont été traitées. Toutefois, la difficulté d’un bilan est réelle. Les réformes du système éducatif sont longues à mettre en œuvre et longues à porter leurs fruits. Si les orientations générales sont assez faciles à dégager, le détail des mesures est sujet à controverses, comme les moyens nécessaires pour les atteindre. L’école enfin est une communauté humaine avec laquelle il devient compliqué de dialoguer et d’agir : dès lors que les réformes envisagées portent sur la gestion ou les obligations des enseignants, elles suscitent une opposition de principe, justifiée par une exigence de revalorisation salariale préalable. Quant aux mesures qui modifient des cursus ou font évoluer les aides apportées à tel ou tel secteur, elles sont systématiquement suspectées de desseins peu avouables, volonté de réaliser des économies ou réformes de simple affichage.

Quel héritage en 2017 ?

Les évaluations PISA 2015 de l’OCDE sur les compétences des élèves de 15 ans en fin de premier cycle du secondaire montraient que le score de la France, souvent aux alentours de la moyenne OCDE, recouvrait une forte proportion d’élèves en grande difficulté, avec une corrélation entre les acquis scolaires et le niveau socioéconomique et culturel des familles. Pour ce qui est des évaluations réalisées au niveau CM1 en mathématiques et sciences (Enquête TIMMS 2015), les résultats étaient inférieurs à la moyenne de l’OCDE, avec une surreprésentation des élèves français dans le quartile le plus faible. Il en était de même pour l’enquête PIRLS 2016 portant sur la compréhension de l’écrit où, en outre, les résultats sont en baisse continue depuis 2001.

D’autres données corroborent ces mauvais résultats, au moins pour une partie de la population. Lors de la journée Défense et citoyenneté 2017, près de 12 % des jeunes Français étaient en difficulté en lecture, dont 5,2 % en situation d’illettrisme et 6,3 % ayant de faibles capacités (Note n° 18-10 de la DEPP, Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’Education nationale).

La synthèse annuelle sur « L’état de l’école » 2017 illustre ces inégalités qui perdurent aujourd’hui : les réseaux d’Education prioritaire (REP), qui accueillent 20 % des écoliers et collégiens, 7 % en REP + et 13 % en REP, recouvrent une proportion d’élèves issus de familles en difficulté sociale beaucoup plus importante que les autres établissements, au-delà de 60 % dans certains cas. Les résultats obtenus sont nettement inférieurs : en début de 6e, l’écart entre les compétences des élèves REP + et celles des collégiens hors éducation prioritaire est compris, selon les cas, entre 20 et 35 points, loin des engagements de 2014 qui entendaient les limiter à 10 %. Dans les générations 2013-2014-2015, 13 % des jeunes sortent sans diplômes ou avec le seul brevet, 32 % des enfants d’ouvriers et d’employés et 8 % venant de familles de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants. L’insertion professionnelle s’en ressent : en 2017, dans les 4 ans qui suivent la sortie de formation initiale, le chômage des jeunes sans diplôme est 5 fois plus important que celui des jeunes diplômés d’au moins bac + 2.

Face à ce constat, l’Education prioritaire s’est donné pour objectif d’améliorer le taux d’encadrement pédagogique des élèves, de stabiliser les équipes éducatives et de faciliter le fonctionnement des établissements. Ces objectifs ne sont pas atteints non plus. Un rapport de 2016 du CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire), rédigé sur le fondement des travaux de plusieurs équipes de chercheurs, conclut que l’école « donne moins à ceux qui ont moins ». Certes, la politique de l’Education prioritaire accorde davantage de moyens aux établissements (baisse du nombre d’enfants par classe, mais limitée, en moyenne 2,5 enfants de moins, augmentation des moyens de fonctionnement) mais elle ne renforce pas l’essentiel, à savoir les moyens d’apprentissage :  temps d’enseignement plus court compte tenu des impératifs de discipline, moindre expérience d’enseignants plus jeunes et plus souvent contractuels, formation pédagogique insuffisante. Le rapport de la Cour des comptes de 2018 pointe également ces faiblesses. Par la suite, une autre étude du CNAM-CNESCO (Panorama des inégalités scolaires d’origine territoriale dans les collèges d’Ile-de-France, 2018) mettra en lumière le cumul de difficultés dont souffrent les établissements dans les zones défavorisés, dont une répartition des ressources humaines qui leur est défavorable.

La question des inégalités se retrouve dans le constat fait sur la voie professionnelle par le même CNESCO en 2016 (De vraies solutions pour l’enseignement professionnel) : la réussite de certaines filières est évidente mais d’autres constituent des impasses ; la voie souffre d’une pénurie d’enseignants ; enfin, la situation de certains lycées professionnels, « ghettos socialement et ethniquement ségrégés », n’est pas acceptable.

La première urgence était donc, en 2017, de réduire les inégalités. La seconde portait sur le recrutement, la formation et la gestion des enseignants.

Les recrutements d’enseignants sont devenus depuis quelques années plus difficiles. L’étude du CNESCO de 2016, tout en soulignant la baisse des candidatures à partir des années 2000, note qu’elle coïncide avec une diminution, certes beaucoup moins forte, des postes offerts :  elle n’y voit pas un signe de désaffection générale. L’étude reconnaît toutefois une difficulté de recrutement dans certains territoires, certaines disciplines et certains concours : 13 % des postes offerts n’ont pas été pourvus entre 2012 et 2015. En 2017, le taux montait à 14 % pour le recrutement du second degré. Si les vocations existent toujours, le sentiment d’une déconsidération progresse, avec des craintes sur la pénibilité du métier dans certains territoires.

Quant à la qualité, le rapport de l’OCDE de 2018 (Politiques efficaces pour les enseignants, Perspectives de PISA) souligne que, davantage que la taille des classes, c’est la qualification des enseignants et leurs pratiques pédagogiques qui ont une influence sur les résultats des élèves. En France, la formation initiale professionnelle est récente (elle date de 2013) et le rapport 2017 de la Cour des comptes (Gérer les enseignants autrement, une réforme qui reste à faire) porte sur elle un jugement mitigé : la professionnalisation a été renforcée mais elle est trop tardive. Il est probable que la nouvelle réforme de 2020 qui repousse les concours à la fin du M2 n’est pas, de ce point de vue, satisfaisante : la préparation des épreuves risque de peser sur les acquisitions professionnelles. Enfin, l’évaluation des enseignants, longtemps confiée à des inspections épisodiques, n’a eu que peu d’impact sur les pratiques professionnelles. Quant à la formation continue, elle n’était en 2017 obligatoire que pour les enseignants du premier degré et peu intégrée dans la gestion de la carrière.

Au crédit du quinquennat Macron, des réformes essentielles mais à consolider

Le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone REP et REP + témoigne d’une volonté claire de lutter contre les inégalités, sachant que celles-ci se dessinent tôt, lors des premiers apprentissages.

Le bilan de l’évaluation réalisée en 2019 sur les CP montrent une amélioration du climat et de la dynamique de la classe, des élèves plus attentifs et des pratiques d’enseignement plus individualisées. Selon les experts mobilisés, les résultats chiffrés sont « significatifs » tout en se situant plutôt dans la fourchette basse de ceux constatés dans d’autres pays pour des réformes similaires : la proportion d’élèves en grande difficulté (40 %) a baissé de 8 % pour le français et de 12,5 % pour les mathématiques, alors que l’effet escompté était de 20 à 30 %. La modestie de ces données peut décevoir : mais le dispositif est récent et doit s’étendre sur deux ans, CP et CE1.

L’on sait toutefois qu’une telle réforme, pour être pleinement efficace, doit s’accompagner de pratiques pédagogiques adaptées (l’effet taille ne suffit pas). Le ministère explique qu’un effort a été entrepris en ce domaine. Seule une évaluation plus poussée et disposant de davantage de recul permettra de mesurer la portée de la réforme, sachant que d’autres dispositifs (par exemple celui qui prévalait avant 2017 « Plus de maîtres que de classe ») sont, de l’avis de certains experts, tout aussi efficaces. Politiquement, le quinquennat me mise que sur ce dédoublement : il a tort de ne pas se montrer ouvert à d’autres méthodes.

2° La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a un mérite : elle fait de la formation continue une obligation pour tous les enseignants. L’application en a parfois été douloureuse puisqu’un décret de 2019, mal accepté, prévoit que cette obligation, si la formation est engagée à la demande de l’autorité compétente ou avec son accord, prend place pendant les vacances (5 jours au maximum). Reste que, peu à peu, la formation se développe. Elle répond à un besoin : selon l’enquête Talis 2018 de l’OCDE, le taux de participation des professeurs de collège en France est passé de 64 % en 2013 à 83 % en 2018, à 10 points encore, il est vrai, du taux moyen de l’OCDE. La réflexion s’est parallèlement enrichie sur la qualité des formations : selon le dossier publié en 2021 par le CNAM-CNESCO sur la formation continue et le développement personnel des personnels d’éducation, les formations dispensées sont trop courtes, trop souvent déconnectées du terrain ou alors consacrées à l’appropriation des réformes, peu valorisées en tout cas dans la carrière. Les effets sur l’évolution des pratiques pédagogiques, qui reste une des grandes préoccupations de tous ceux qui souhaitent que le système éducatif change et progresse, sont, de ce fait, limités.  Le CNESCO souhaite que les enseignants soient davantage incités à se former (attribution de crédits temps) et que « l’écosystème » de formation continue du ministère soit renforcé.   Signe positif, dans les conclusions du Grenelle de l’Education de 2021, figure l’engagement ministériel de mieux structurer l’offre de formation, d’améliorer sa cohérence, de la rendre plus attentive aux besoins du terrain et d’en renforcer les moyens.

La réforme du baccalauréat et des lycées est intéressante à plus d’un titre.

Le rapport Mathiot a souligné combien la « valeur certificative » du baccalauréat, mal articulé aux compétences demandées dans l’enseignement supérieur, était mise en doute. Depuis longtemps, son organisation en fin d’année est difficile, gêne la scolarité des autres classes et ne valorise pas la continuité des efforts.  La logique des filières est considérée comme inégalitaire. Le cursus du nouveau baccalauréat est donc devenu plus modulaire, avec un tronc commun, des spécialités et des enseignements optionnels, une place plus grande a été donnée au contrôle continu (elle est devenue décisive avec la crise) et un oral a été prévu pour apprendre aux élèves à présenter un projet.

L’application de la réforme, qui devait accroître l’autonomie et la motivation des élèves et améliorer leur orientation, présente des imperfections : les spécialités choisies reconstituent peu ou prou les filières, la répartition territoriale de l’offre de spécialités est inévitablement inégale et l’orientation reste défaillante. Reste qu’une telle réforme représente une amélioration.

La réforme de la voie professionnelle est engagée. Elle n’est pas aujourd’hui achevée ni donc, a fortiori, évaluable. Les enjeux sont forts. Partant du constat du taux d’insertion très insuffisant des lycéens professionnels, notamment par rapport aux apprentis, et d’une offre de formation mal adaptée aux besoins des entreprises, la réforme regroupe les filières pour rendre l’offre plus lisible, diminue les heures de disciplines générales en prévoyant des « co-interventions » des enseignants et en dédoublant certains cours, favorise le développement de l’apprentissage dans les lycées (il y occupe aujourd’hui une place très limitée) et annonce vouloir modifier le contenu des formations, notamment tertiaires, où le taux d’insertion est particulièrement faible. Elle envisage des « campus d’excellence » regroupant des établissements dans des secteurs innovants.

Les syndicats pointent le risque, en diminuant les heures de formation générale, de creuser davantage l’écart avec les lycéens de la filière générale. Ils craignent également les complexités logistiques d’un développement de l’alternance. Pour autant, les apprentis s’en sortent mieux que les élèves des lycées professionnels. Sans recouper parfaitement la réforme, les propositions du CNESCO, qui préconisaient le renforcement de l’apprentissage, n’en sont pas si éloignées. Quant à la baisse des heures de formation générale, même si l’on en mesure le poids symbolique, les débats sur la place prise par l’enseignement du français en primaire nous ont appris que la France assimile trop souvent nombre d’heures de formation et réussite scolaire, alors que le lien est loin d’être établi.

 Au passif du bilan, des manques sévères

 1° Après la crise, l’objectif doit être de construire un enseignement numérique.

Innovation bienvenue, un enseignement informatique a été prévu en seconde à compter de la rentrée 2019 et des concours (CAPES et agrégation) d’enseignant en informatique ont été créés.

Reste que la crise sanitaire a révélé la difficulté des enseignants à intégrer le numérique dans leur enseignement.

Alors que la loi de refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 avait prévu la création d’un service public numérique de l’éducation, co-construit par l’Etat et les collectivités territoriales, avec l’ambition de mieux former au numérique des jeunes appelés à l’utiliser massivement dans leur vie professionnelle et de faire évoluer les méthodes pédagogiques pour améliorer les apprentissages, les intentions n’ont pas été suivies d’effet. En 2019, un rapport de la Cour des comptes dénonçait l’achat désordonné d’équipements individuels par les collectivités, sans cadrage national, accentuant en fait les inégalités existantes. Les établissements ne bénéficient pas toujours d’une connexion suffisante. L’Etat n’a pas, quant à lui, défini de stratégie : il n’a pas formé les enseignants ni mis à leur disposition des ressources dans un environnement sécurisé (celles-ci sont abondantes mais leur offre est mal organisée). Un plan de rattrapage a été défini à la suite de ce rapport mais la crise sanitaire est arrivée avant qu’il ne produise ses effets.

Très logiquement, une enquête d’un laboratoire spécialisé dans l’aide aux enseignants (Syn Lab), réalisée en mars 2020 auprès de 1330 enseignants du primaire et du secondaire, révélait que 20 % seulement d’entre eux étaient confiants en début de confinement, parce qu’ils maîtrisaient les outils et disposaient d’un savoir-faire, les autres étant anxieux sur l’utilisation d’outils peu familiers et sur le changement de méthode pédagogique à mettre en place, avec des craintes particulières pour les élèves les plus fragiles.

Officiellement, selon le Ministre, la continuité pédagogique a été assurée. Or, même si le nombre de jours de fermeture totale ou partielle des écoles a été en France de 70 contre 159 pour la moyenne des pays de l’OCDE, la « perte de chance » des enfants a été réelle.

Les États généraux du numérique organisés en 2020 ont été une première occasion d’établir un retour d’expérience. Le bilan établi par la Cour des comptes dans son rapport annuel 2021 y contribue : il souligne la mobilisation réelle du service public pour faire face mais aussi son impréparation, à vrai dire compréhensible, et ses tâtonnements. Ce sont les élèves les plus fragiles qui ont souffert le plus, par manque d’équipements appropriés ou d’une connexion de qualité. 600 000 élèves, en rupture numérique, sont restés isolés. Pour les autres, les difficultés ont été fréquentes et répétées.  Faute d’avoir l’habitude de travailler en équipe, les enseignants se sont souvent mal coordonnés. La priorité a été de maintenir les contacts élémentaires et le travail a plutôt visé la consolidation des acquis qu’une réelle progression.

La Cour demande une réaction forte : mettre en place un socle numérique de base ; définir un plan de continuité pédagogique opérationnel, procédures et outils ; former les enseignants. Il s’agit là, de fait, d’une priorité.

2° Malgré la mesure de dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones d’Education prioritaire, la lutte contre les inégalités est défaillante.

En ce domaine, une seule mesure (dont les résultats, on l’a vu, restent incertains) ne suffira pas.

Le ministre a constamment évoqué certains choix  structurants : instaurer les « postes à profil » dans les affectations d’enseignants en Education prioritaire (l’affectation des directeurs d’écoles suit désormais cette procédure, le candidat étant choisi et non affecté sur barème), renforcer l’autonomie des établissements, développer le travail en équipe…mais sans avancer vers des réformes claires et massives concernant les établissements en grande difficulté, dans un domaine, il est vrai, où les syndicats sont hostiles au changement. Contrairement aux engagements de campagne d’E. Macron, qui souhaitaient l’affectation d’enseignants volontaires et expérimentés dans les zones difficiles, il aurait fallu refuser d’y affecter de jeunes enseignants et des contractuels, lutter  contre les conséquences d’une carte scolaire qui concentre les élèves en difficulté, renforcer les moyens accordés, accorder une plus grande liberté d’organisation, donner priorité au développement de pédagogies innovantes.

Il est vrai qu’une réforme de l’Education prioritaire a été engagée, avec la volonté d’étendre le champ des établissements aidés et de graduer les aides en fonction de « l’accompagnement » nécessaire. La réforme, qui s’engage en 2021 par une expérimentation dans 3 Académies, est justifiée : une part importante des enfants de familles défavorisées se trouve dans des établissements hors réseau REP et certains collèges ruraux isolés ou situés dans des zones en déclin ont besoin de moyens supplémentaires. Pour autant, il ne s’agit là que d’une autre répartition des moyens. La véritable réforme de l’Education prioritaire, centrée sur les établissements REP +, n’a pas été engagée : le ministre y est en réalité indifférent.

3° Le ministre fait une analyse erronée sur l’échec de l’école. Il ne croit qu’à une méthode qu’il cherche à imposer : les évaluations nationales du niveau atteint par la classe doivent conduire les enseignants à s’évaluer eux-mêmes et à changer leurs pratiques. Il suffit, pour les y aider de leur donner des guides pédagogiques qu’il suivra à la lettre (les méthodes à suivre y sont détaillées) et tout ira bien. La démarche est à juste titre jugée simpliste et témoigne d’une conception managériale archaïque. Les enseignants y voient, à tort ou à raison, un empiètement sur leur liberté pédagogique. Le Ministre promeut l’évaluation scientifique des méthodes pédagogiques mais il le fait d’une manière dogmatique et rigide (il n’y aurait qu’une bonne méthode d’apprentissage de la lecture), alors qu’en ce domaine, l’ouverture d’esprit doit probablement conduire à mieux admettre les débats.

4° La revalorisation salariale annoncée en 2021 est tardive et décevante.

 Lors du Grenelle de l’Education, le ministre a annoncé un plan de revalorisation salariale pour 2021 et 2022 : attribution d’une prime d’attractivité favorisant les enseignant en début de carrière (elle décroît jusqu’au 9e échelon), versement d’une prime d’équipement informatique, amélioration de la protection sociale, augmentation du taux de promotion à la hors classe et mise en place de diverses améliorations catégorielles (directeurs d’école…).

L’effort, sans être ridicule, s’éloigne des promesses :  lors du débat sur les retraites, avorté il est vrai, l’engagement avait été pris de proposer au parlement une loi de programmation sur le salaire des enseignants. Il est désormais question de fixer à 2000 euros, dans le courant du prochain quinquennat, le salaire d’un enseignant débutant, ce qui supposerait un effort important et de long terme, mais sans la garantie d’un engagement précis.

Le dernier bilan sur « L’état de l’école » (édition 2020) montre que, dans l’enseignement élémentaire et au collège, les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne européenne, avec un écart qui se creuse après dix et quinze ans d’ancienneté. À ces niveaux d’enseignement, durant la première partie de la carrière, les enseignants allemands perçoivent plus du double du salaire des enseignants français.

Dans « Regard sur l’Education », paru en septembre 2021, l’OCDE poursuit cette comparaison par un constat moins acceptable encore : les salaires statutaires des professeurs des écoles et professeurs certifiés français ayant 15 ans d’expérience ont quasiment stagné entre 2010 et 2020. En moyenne, dans l’OCDE, les salaires statutaires des enseignants de même niveau ont augmenté sur cette période de 6 à 7 %. La baisse, prononcée de 2010 à 2015, a été rattrapée par la suite mais sans amélioration sur la période. Autrement dit, les différences entre les enseignants français et ceux des autres pays, loin de diminuer, s’accentuent.

Différer la fin de cette différence salariale n’est pas une solution. Aucune réforme ne sera pleinement acceptée, notamment celles qui modifieront l’affectation, le contenu ou la durée des obligations de service, si cette question n’est pas réglée. Le Président Macron, quand il évoque cette revalorisation, parle de réduire les vacances. L’école est durablement bloquée.

Pergama, le 21 septembre 2021