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Revenu universel d’activité : un projet social?

Dans leur effort pour rétablir l’équilibre d’un programme tendant dangereusement vers la droite, les supporters d’E. Macron rappellent désormais que ce programme comporte la reprise du projet de « revenu universel d’activité » (RUA) étudié de 2018 à 2019 et qui semblait depuis lors abandonné.

Le plan pauvreté de novembre 2018 avait en effet inscrit dans ses objectifs la création de ce RUA, destiné à simplifier les droits sociaux (et donc à améliorer leur accès), tout en les rendant plus équitables et plus incitatifs à la reprise d’une activité. Une note ministérielle de novembre 2019 avait fait le point sur le projet : il s’agissait alors de fusionner en une allocation unique plusieurs prestations, le RSA, la prime d’activité et les aides personnelles au logement. La note évoquait également, à terme, un champ plus large de prestations appelées à être fusionnées. Les propositions tendaient d’abord à harmoniser les ressources prises en compte, puis à créer une prestation socle versée aux plus démunis (pour remplacer le RSA), complétée par un supplément logement (que l’on pouvait toucher seul sans passer par la prestation socle) et par un intéressement à l’activité. Il semble que la véritable motivation de la fusion ait été là, davantage que dans la volonté de favoriser l’accès à des prestations non demandées. C’est en effet un des fils rouges des décisions du quinquennat : en janvier 2019, la réforme de la prime d’activité a tendu à avantager davantage les travailleurs modestes que les personnes pauvres travaillant peu. L’objectif était donc de soumettre à incitation au travail des prestations qui ont pourtant peu de liens avec ce sujet (les aides personnelles au logement). Les associations caritatives ont trouvé le projet inquiétant et demandé des simulations permettant de mesurer les conséquences : dans des cas précis, y avait-il maintien des droits ou dégradation par rapport à la situation actuelle ?

Où en est-on depuis lors ? L’étude du projet a été reprise en 2021. Elle est évoquée dans une audition au Sénat, le 5 janvier 2022, de son rapporteur général. Celui-ci reconnaît l’efficacité d’ensemble des « prestations de solidarité » (minima sociaux, aides au logement, prime d’activité, chèque énergie) contre la pauvreté. Il reconnaît également que le « travail paie », hormis quelques rares cas. Mais il juge le système illisible et recommande de mieux « l’unifier ». Le projet de fusion des prestations serait aujourd’hui abandonné au profit d’une première unification des « bases ressources » du RSA, de la prime d’activité et des aides au logement. Cette unification porterait également sur les barèmes qui servent à calculer la prestation selon la composition de la famille, avec un débat sur l’individualisation des aides ou leur « conjugalisation ».

Cette harmonisation faciliterait, dit-il, le service automatique des prestations, calculées de manière plus aisée,  sur le fondement des renseignements transmis par l’administration fiscale.

Cependant est-il justifié que les barèmes soient les mêmes, en cas de reprise d’un travail, quand il s’agit d’un revenu de remplacement comme le RSA ou d’une aide au logement ? S’il y a conjugalisation des aides (ce qui semble être l’orientation), est-il possible de traiter identiquement la présence d’un conjoint sans ressources propres pour le RSA (la prestation doit augmenter fortement, voire doubler) et pour des aides au logement ? De plus, comme le remarque le rapporteur lui-même, quelle doit être l’ampleur de l’incitation au travail ? Plus elle sera forte, moins seront aidés les ménages sans aucune ressource. Or, il faut un équilibre.

Une simplification des bases ressources est sans doute utile mais il sera compliqué d’unifier des barèmes d’attribution pour des prestations qui n’ont pas du tout la même vocation.

Au final, la logique du projet échappe. En 2016, le rapport Sirugue étudiait la fusion des multiples minima sociaux. Le projet, compliqué, se comprenait davantage. Ici, l’objectif de verser une même allocation à tous en la modulant identiquement pour inciter à travailler n’est pas si loin. Or, il est inadapté, voire moralisateur et dangereux.