Fin de l’Affirmative action : une portée décisive politiquement, moindre en pratique

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Fin de l’Affirmative action : une portée décisive politiquement, moindre en pratique

La Cour suprême des Etats-Unis a, le 29 juin 2023, considéré que les procédures d’admission dans les universités américaines tenant compte de la couleur de peau ou de l’origine ethnique des candidats étaient contraires à la Constitution, même si la prise en compte de ces critères n’était nullement mécanique. La Cour nie ainsi l’importance de la question raciale dans les inégalités entre candidats et refuse de recourir à une « discrimination positive » pour les corriger, position dans la logique politique très droitière qu’elle a désormais fait sienne et qui constitue un renversement de jurisprudence.

Pour autant, cela fait longtemps que l’Affirmative action américaine a été limitée, amoindrie et parfois a disparu.

L’Affirmative action (née dans les années 60 du mouvements des droits civiques et de la volonté de corriger l’énorme retard social de certaines communautés) ne correspond plus aujourd’hui qu’à une attitude de préférence assez souple et informelle en faveur des minorités dans le domaine des marchés publics et de l’admission dans les universités. Il faut dire qu’un article de la Constitution américaine garantit à tous les citoyens « l’égale protection de la loi » et que des politiques trop strictes de discrimination positive pouvaient être considérées comme contrevenant à cette disposition.

En 1978, un arrêt de la Cour suprême (arrêt Blake) a interdit les quotas pour l’admission dans les universités et en 2003, un autre (arrêt Gratz) l’attribution de points automatique à certains candidats en fonction de leur origine.

Dans les deux cas, la Cour a cependant admis que, dans les recrutements, la recherche de la diversité des origines était un objectif légitime. Le dispositif d’autres Etats (Texas, Mississipi, Louisiane) a en revanche été jugé conforme à la Constitution en 2003, notamment parce qu’il reposait sur un examen individualisé des candidatures susceptibles de contribuer à améliorer la diversité.

Un autre arrêt de la Cour suprême de 2003 fixe à 2028 la date à laquelle l’affirmative action devait disparaître, soit 25 ans après un arrêt où le critère racial a été considérée comme une raison valable pour intervenir sur les recrutements. D’autres arrêts de la Cour suprême ont institué ensuite un contrôle strict sur les décisions d’affirmative action, demandant que la preuve soit apportée que des mesures alternatives n’auraient pas été suffisantes.

Au-delà de ces décisions, des référendums locaux ont depuis le milieu des années 90 aboli les mesures de discrimination positive dans certains Etats (Californie, Floride, Washington, Nebraska et Michigan, même si, dans ce dernier Etat, la loi a rétabli l’affirmative action avant un arrêt de la Cour suprême la jugeant contraire à la Constitution).  En 2020, la Californie a même refusé par référendum de revenir à la discrimination positive y compris en ce qui concerne les femmes et les minorités dans les services publics. Si une augmentation des étudiants noirs et d’origine hispaniques a été constatée dans les universités jusqu’au milieu des années 90, le mouvement s’est ensuite ralenti. Dès les années 2000, l’affirmative action est devenue limitée : une étude de 2017 montre que les étudiants noirs et d’origine hispanique étaient davantage sous-représentés que 25 ans auparavant dans les meilleures universités américaines.

Les universités qui souhaitaient poursuivre le mouvement ont eu recours à des mesures de substitution, qui en apparence relevaient moins de la lutte contre les discriminations et davantage de la valorisation du mérite mais contribuaient à diversifier les recrutements : recrutement des meilleurs élèves de tous les établissements scolaires (y compris ceux des zones défavorisés), prise en compte de la richesse des parents ou du caractère monoparental de la famille.

Faut-il regretter la fin de l’affirmative action ? Sans doute oui, sur le plan politique, car elle envoyait un signal très positif à des communautés longtemps méprisées. Pour autant, le signal était déjà bien faible. De plus, les résultats en sont discutés : l’affirmative action a sans doute contribué à la progression des noirs et latinos dans la hiérarchie sociale. Elle n’a pas suffi à modifier radicalement une situation qui reste globalement défavorable.