France Stratégie : les inégalités scolaires s’accroissent tout au long du parcours

Procès Google aux USA : sans doute pas de décisions fracassantes à attendre
13 octobre 2023
Programmation des finances publiques 2023-2027 : une faible crédibilité
15 novembre 2023

France Stratégie : les inégalités scolaires s’accroissent tout au long du parcours

France Stratégie a fait paraître, en septembre 2023, une note intitulée La force du destin : poids des héritages et parcours scolaires. La note démontre le poids déterminant de l’origine sociale dans le parcours des élèves.

Il ne s’agit certes pas là d’une révélation. Les enquêtes de l’OCDE et les données de la DEPP, Direction de l’évaluation, de la prospective et (paraît-il) de la performance du ministère le montrent déjà abondamment, de même que, quand il existait, le CNESCO, conseil d’évaluation du système scolaire, dont une note de 2016 était intitulée : Comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? Mais toutes les démonstrations ont besoin d’être renouvelées pour, peut-être, voir leur importance reconnue. De plus, l’étude de France Stratégie est plus complète que les précédentes : elle croise les variables sociales, de sexe et d’origine migratoire et le fait sur l’ensemble du parcours scolaire, en y intégrant le parcours universitaire quand il existe.

La conclusion est très nette : bien plus que le genre ou l’origine migratoire, c’est l’origine sociale qui représente le facteur prépondérant des écarts de réussite scolaire. Les écarts apparaissent dès 2 ans : les enfants de familles aisées partent dans le parcours préscolaire avec, déjà, davantage de compétences, dans le domaine du langage, du raisonnement et du comportement (plus de persévérance, et une meilleure régulation personnelle). La fréquentation des crèches (trop peu répandue) permet à certains enfants de familles modestes de ne pas prendre trop de retard mais les différences sont déjà présentes. Elles ne disparaîtront plus.

L’étude des trajectoires des enfants répartis sur ce critère social montre qu’avec les années qui passent, les écarts se creusent : à l’entrée en 6e, 19,4 % des enfants d’origine modeste sont en retard et 8,3 % des enfants d’origine favorisée. Trois ans plus tard, 91,8 % des enfants favorisés sont en 3e (parcours « normal ») mais seulement 81,9 % des enfants de familles modestes. Les autres ont redoublé ou ont quitté l’école. Quatre ans après l’entrée au collège, 79,3 % des enfants de familles favorisées sont en seconde générale et 35,8 % des enfants d’origine modeste. Et ainsi de suite…7 ans plus tard, date d’entrée « normale » dans le supérieur, 64,2 % des enfants favorisées s’y retrouveront effectivement et 27,5 % des enfants d’origine modeste : de plus, il ne s’agira pas du même « supérieur ».

L’origine migratoire n’est un facteur défavorable que lorsque les comparaisons portent sur enfants d’immigrés/enfants sans ascendance migratoire. Lorsque l’on prend en compte le facteur social, les écarts sont faibles, voire s’inversent (ainsi, au niveau du brevet, les jeunes filles enfants d’immigrées sont de meilleur niveau que les non-immigrées du même milieu social). A ces exceptions près, les enfants d’immigrés suivent le parcours des enfants de même catégorie sociale : mesuré en terminale générale, leur parcours global (toutes catégories sociales confondues) est un peu meilleur que celui des enfants d’origine modeste et nettement moins bon que celui des enfants d’origine favorisée.

Quant au critère de genre, il vérifie malheureusement les idées reçues : les compétences des filles sont supérieures dès 2 ans à celles des garçons, le constat reste encore vrai à 4-5 ans et cette supériorité perdure ensuite : les filles sont au final plus diplômées que les garçons mais leurs diplômes les font accéder à des filières moins rentables sur le marché du travail. Elles sont sous-représentées dans les filières scientifiques et industrielles comme dans les classes préparatoires.

Au final, l’intérêt de l’étude est de démontrer le caractère cumulatif de l’effet des inégalités sociales : à chaque étape, l’écart s’accroît. La note explique ce creusement étape par étape : à l’âge préélémentaire, les compétences des jeunes enfants sont essentiellement développées par les échanges et les activités proposées dans le cadre familial, même si la scolarisation précoce peut rattraper un peu les différences entre familles.  L’école primaire s’avère ensuite incapable d’empêcher l’écart de se creuser. Au collège dit unique, les parcours divergent plus nettement, du fait, pour large part, de l’absence de mixité scolaire. Même les élèves de 6e d’origine défavorisée qui ont de bons résultats en 6e n’ont pas la garantie de « bien » terminer le collège. Les trajectoires deviennent ensuite hétérogènes : au niveau du lycée, les établissements diffèrent et les filières aussi.

Le rôle des familles est ainsi fondamental, du fait des acquis qu’elles permettent et des activités qu’elles proposent et l’école ne parvient pas à compenser ces déséquilibres. Un des rares avantages dont bénéficient les enfants d’immigrés vient aussi du cadre familial : si la ségrégation territoriale de l’école joue contre eux, l’ambition souvent plus forte des familles immigrées pour la réussite scolaire les pousse en avant.