Rénovation des règles budgétaires de l’UE: est-ce si important?

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Rénovation des règles budgétaires de l’UE: est-ce si important?

Les règles budgétaires de l’Union européenne ont été suspendues lors de la crise COVID, ce qui a autorisé les États à injecter de l’argent dans leur économie. La suspension a ensuite été prolongée jusqu’à fin 2023 pour préserver au mieux la reprise de la croissance. Il était entendu que ces règles seraient, à cet horizon, modifiées : le processus de réforme, engagé dès avant le COVID en 2020, devait répondre à deux critiques principales : les règles étaient complexes et opaques pour les citoyens et un effort de simplification devait être effectué ; de plus, ces règles étaient accusées d’encourager la rigueur dans des périodes de crise et d’aggraver de ce fait les effets du « cycle économique » : un assouplissement était donc attendu.

Rappelons les règles de départ :

1° Le déficit public doit être inférieur à 3 % du PIB ;

2° La dette publique doit être inférieure à 60 % du PIB et, si elle dépasse ce niveau, diminuer annuellement d’au moins 1/20e du montant de ce dépassement ;

3° Le déficit public structurel, c’est-à-dire le déficit public corrigé de la part liée à la conjoncture, ne doit pas dépasser – 0,5 %, sauf si la dette est inférieure à 60 % du PIB :  il peut alors descendre jusqu’à -1 %. Si ces niveaux ne sont pas respectés, le pays définit un objectif de moyen terme (OMT) tendant à rétablir, si besoin est, l’équilibre des finances publiques ;

4° Les dépenses publiques corrigées du montant de l’inflation ne peuvent augmenter plus que la croissance économique potentielle à moyen terme, c’est-à-dire la croissance qui utilise de manière optimale les facteurs de production, sans tension en plus ou en moins sur l’offre de travail ni sur le capital disponible. Si le solde structurel est inférieur à l’objectif de moyen terme défini, la croissance des dépenses publiques doit être inférieure à la croissance économique potentielle prévue.

En novembre 2022, la Commission européenne a publié « les grandes lignes d’une éventuelle réforme du Pacte de stabilité et de croissance », puis, en avril 2023, ses propositions en ce domaine. L’assouplissement proposé était net : était envisagée l’élaboration d’une « trajectoire budgétaire de référence » définie par chaque État membre, qui, de manière différenciée, devait contenir un plan de diminution de la dette sur 4 ans. L’État y intégrait ses priorités économiques, les réformes prévues et les investissements dont il jugeait avoir besoin. La trajectoire devrait être validée par la Commission.

Après des mois de discussion oiseuses (les positions politiques et « morales » ont peu évolué entre les partisans de la souplesse, dont la France et les partisans de la logique d’encadrement d’origine, dont l’Allemagne), un accord a été obtenu en décembre 2023.

Il donne de la souplesse : à partir de 2025, chaque État établira une trajectoire de rétablissement financier qui lui sera propre, sur 4 ans, durée qui pourra être étendue à 7 ans pour les pays qui procèdent à des réformes importantes ou à des investissements coûteux.

Il continue toutefois à imposer des normes annuelles, avec des règles parfois un peu moins strictes qu’auparavant mais bien présentes : le déficit ne doit toujours pas dépasser 3 % du PIB et, désormais, le déficit des États qui ne respectent pas cette norme doit être réduit annuellement de 0,5 point de PIB au moins. La dette ne doit toujours pas dépasser 60 % du PIB et, si elle est supérieure, devra être réduite de 0,5 point annuel ou de 1 point selon son importance. Quant au déficit structurel, il est limité à 1,5 % et, pour atteindre cet objectif, il devra baisser, s’il est excessif, de 0,25 à 0,4 point de PIB par an.

Le citoyen européen ne va pas mieux comprendre ces règles, tout aussi complexes que les précédentes. L’objectif de simplification n’est donc pas atteint.

Surtout, quelle est la cohérence du dispositif ? Eh bien, il n’en a pas : les pays élaborent leur propre trajectoire, qui tient compte de leur situation de départ, de leurs contraintes et de leurs projets. Mais les seuils et les contraintes annuelles existent, comme avant, même si leur niveau est modifié. Les États n’ont donc pas de vraie marge d’ajustement. Cela fait plaisir à l’Allemagne sans mécontenter l’Italie ou la France. Est-ce applicable ? pas vraiment. Mais de toute façon, les règles anciennes, strictes et détaillées, n’étaient pas respectées et leur non application n’a jamais été sanctionnée. La France envoie chaque année à la Commission un programme de stabilité pluriannuel peu ou pas du tout vraisemblable, qui s’engage toujours sur un net redressement des finances publiques, puis s’en écarte jusqu’au suivant, qui réactualise l’exercice. Dans ce contexte, l’importance des règles est faible…tout comme l’Union elle-même.  Mais celle-ci organise sa faiblesse…