Logement social: les besoins augmentent, les constructions diminuent

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Logement social: les besoins augmentent, les constructions diminuent

En 2023, la baisse du nombre de logements sociaux dont la construction a été décidée se confirme : 82 000 logements seulement ont été « agréés », contre des objectifs fixés à 110 000.  Depuis le premier quinquennat Macron, la baisse a été continue : l’on est passé d’un chiffre de 111 783 en 2017 à 95 700 en 2022 puis à 82 000 l’année dernière. Même en 2020, année où l’ensemble des constructions de logements a été ralentie, les chiffres ont été meilleurs (87 500).

Ces chiffres de plus ne correspondent pas à l’offre nouvelle de logements sociaux mise sur le marché de la location : celle-ci est inférieure compte tenu des démolitions. En outre, dans leur ensemble, les mises en location baissent du fait du ralentissement du taux de rotation des logements occupés, déjà bas, passé de 8,5 % au 1er janvier 2022 à 8 % en 2023.

La baisse de la construction et la réduction de la mobilité conduisent à une augmentation régulière du nombre de demandeurs, passés de 2,4 millions fin 2022 à 2,6 millions fin 2023 . En 2022, le nombre de demandes de logement social a été au niveau national 4,3 fois supérieur au nombre de mises en location. Ce ratio est beaucoup plus important en zones tendue, comme en Ile de France, où les demandes (800 000) sont en discordance forte avec les attributions annuelles (70 000), les délais d’attente théoriques étant de l’ordre de 10 ans.

Parallèlement, le nombre de mal-logés selon le rapport de la Fondation Abbé pierre s’élève à plus de 4 millions de personnes.

Quels sont les besoins ? Une étude de l’Union sociale pour l’habitat les estimait, dans une étude de septembre 2023, à 198 000 logements sociaux par an nouveaux ou rénovés sur la période 2024-2040, et cela malgré le ralentissement démographique, en tenant compte de la nécessité de résorber la demande et le mal logement et de répondre aux besoins de rénovation énergétique. Le gouvernement, sans nier que les chiffres actuels ne correspondent pas aux besoins, en reste à une estimation plus modeste :  en mars 2021, un protocole d’engagement prévoyait la construction de 250 000 logements sociaux en 2021 et 2022, qui n’a au demeurant pas été tenu. La feuille de route logement de novembre 2023 évoque la construction de 110 000 logements par an : c’est mal parti.

Pourquoi ce ralentissement ? Les experts évoquent le manque à gagner créé par la baisse du loyer de référence décidée en 2018 pour limiter l’effort de l’État qui supporte les aides au logement mais aussi l’augmentation des taux d’intérêts des prêts accordés aux bailleurs, qui sont indexés sur le taux d’intérêt du livret A, lequel a fortement augmenté ; la difficulté de trouver du foncier ; le ralentissement enfin de la construction privée puisque nombre d’opérations étaient imbriquées. Plus inquiétante est l’étude de la Banque des territoires sur les capacités financières prospectives d’ensemble du système (Étude sur le logement social, Perspectives, 2023) : selon cette étude, si les bailleurs sociaux pourront assumer d’ici 2030 les réhabilitations rendues nécessaires, ils ne pourront pas en même temps assurer la construction de 100 000 logements nouveaux/an.

Malgré la crise et les plans qui se succèdent, il ne se passe pas grand-chose, que quelques effets d’annonce à la suite du Conseil national de la Refondation sur le logement. La perspective évoquée dans le discours de politique générale du Premier ministre d’intégrer les logements intermédiaires dans les objectifs de logements « sociaux » fixés aux communes par la loi SRU révulsent ceux qui sont attachés à la résorption de la file d’attente composée de demandeurs modestes.  Par ailleurs, un texte sur la décentralisation du logement social est en préparation pour 2024, qui paraît de bon sens dès lors que les besoins diffèrent selon les territoires. Mais une régulation nationale restera nécessaire et la qualité du texte dépendra de la force qu’elle aura.

Dans cette attente, les acteurs du logement social ont plutôt tendance aujourd’hui à déplorer le désinvestissement de l’État.