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Rapport Amnesty international sur la France (2023) : rappels des dérives

Le rapport met l’accent sur plusieurs dérives inquiétantes parmi lesquelles : le non-respect du droit de manifester lors des manifestations contre la loi sur les retraites ; les violences policières commises lors de ces manifestations puis au moment des émeutes qui ont eu lieu à la suite de la mort du jeune Nahel, en juin 2023 ;  ; le maintien des contrôles au faciès après (ou malgré) une décision ambiguë du 11 octobre 2023 du Conseil d’Etat ;  le contenu de la loi asile et immigration débattue fin 2023 ;  les cas de refoulement d’étrangers dans des pays où leur vie est menacée ; la loi sur la mise en place d’une vidéo-surveillance algorithmique lors des JO.

Les manifestations sur les retraites ont permis d’identifier des pratiques de la police d’arrestations préalables aux manifestations, suivies d’une garde à vue plus ou moins longue, pratiques dont la Défenseur des droits s’est inquiétée et qui sont contraires à la liberté d’expression et au droit de manifester. De plus, à l’occasion des manifestations contre la loi retraite, qui ont été calmes et maîtrisées, ont été constatées des brutalités graves à l’égard de personnes non menaçantes ou de passants, ainsi que des brutalités lors des arrestations, des gazages rapprochés, enfin l’utilisation de techniques de « nasse » ou d’encagement qui ne sont autorisées par le droit français qu’en cas de troubles graves et à condition de laisser un point de sortie, point dont l’existence est peu vérifiable.

Le droit de manifester a été altéré également en octobre 2023 lorsque le ministre de l’Intérieur a demandé l’interdiction systématique des manifestations en faveur des droits des palestiniens avant que le Conseil d’État ne rappelle que de telles interdictions ne peuvent être décidées qu’au cas par cas.

Les manifestations de juillet 2023 à la suite de la mort du jeune Nahel à Nanterre ont conduit à des mutilations graves liées à l’utilisation de LBD (cinq personnes au moins ont perdu un œil), à deux décès liés à des « balles perdues » ou à des tirs et à deux blessés très graves, dont l’un lié à un passage à tabac extrêmement violent.

Le 11 octobre 2023, le Conseil d’État, saisi par six associations de défense des droits humains, s’est prononcé sur une requête tendant à enjoindre à l’État de cesser les contrôles au faciès discriminatoires, qualifiés de systémiques. Le Conseil d’État a reconnu comme « suffisamment établie l’existence d’une pratique de contrôles d’identité motivés par les caractéristiques physiques, associées à une origine réelle ou supposée (…) qui ne peut être regardée comme se réduisant à des cas isolés » et reconnu qu’il s’agissait là d’une violation de la loi. Mais d’une part, il n’a pas reconnu cette pratique comme « systémique » (on ne sait trop pourquoi), d’autre part, et surtout, le Conseil a indiqué qu’il n’avait pas vocation à élaborer une politique contre les discriminations. Il a donc rejeté la requête qui suggérait une liste de mesures, sans pour autant enjoindre à l’État de faire cesser ces pratiques. La décision, très étonnante, permet au Conseil d’État de se défausser : l’illégalité, reconnue, perdure.

La loi asile et immigration (promulguée début 2024, le 26 janvier) devait initialement instaurer des quotas migratoires, mettre en place une mesure de préférence nationale en instituant un délai pour permettre à des immigrés légalement installés de toucher certaines prestations, durcir le regroupement familial, obliger les étudiants étrangers à déposer une « caution de retour » et rétablir un délit de séjour irrégulier. Ces mesures ayant été annulées par le Conseil constitutionnel, la loi en a été raccourcie : elle permet de régularisation exceptionnelle dans des métiers en tension (c’est déjà le cas mais les personnes n’auront plus obligation de passer par leur employeur), durcit les expulsions pour les délinquants même quand ils résident en France depuis longtemps et y ont des attaches personnelles et familiales et supprime les protections dont bénéficiaient des personnes en situation irrégulière parce qu’elles étaient arrivées avant 13 ans ou devenues conjoints de Français. La loi représentait, dans sa version initiale, un alignement sur les positions de l’extrême droite. Les articles qui restent après la censure du Conseil constitutionnel portent sur des cas limités mais le symbole est fort d’une volonté de fermeture : pour des délits ou une situation non régularisée, situation, des personnes qui vivent en France depuis longtemps sont renvoyées dans des pays avec lesquels elles n’ont plus d’attache. A quand la prochaine loi et de nouveaux durcissements plus ou moins aveugles et inhumains ?

Par ailleurs, la France refuse toujours de rapatrier systématiquement l’ensemble de ses ressortissantes détenues avec leurs enfants en Syrie et elle a procédé en 2023, à plusieurs reprises, au « refoulement » de demandeurs d’asile dans leur pays d’origine, en les mettant en danger grave.

Enfin, une vidéosurveillance algorithmique a été autorisée à titre expérimental pendant les JO, alors que, dans le domaine de la surveillance de masse, l’utilisation d’algorithmes potentiellement discriminatoires représente un danger pour les libertés et l’égalité.