Stratégie de protection de l’enfance : des déclarations d’intention

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Stratégie de protection de l’enfance : des déclarations d’intention

Le gouvernement a présenté le 18 octobre dernier une « Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022. Il faut dire que les bilans critiques, voire alarmistes, se sont multipliés ces dernières années. Les services de protection maternelle et infantile (PMI), qui assurent une prévention de la maltraitance et du délaissement des jeunes enfants et aident à dépister le plus précocement possible les situations de handicap, sont en difficulté reconnue, faute de personnel et de moyens. Leurs activités (visites à domicile, contrôle des établissements d’accueil des jeunes enfants, réalisation des bilans de santé en maternelle ou à 6 ans) se réduisent. Le rapport Peyron remis récemment alerte sur cette situation en soulignant de plus les disparités importantes entre départements. Quant aux services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ils ont fait l’objet de plusieurs rapports inquiétants : en 2018, le Conseil économique, social et environnemental dénonçait les parcours chaotiques des enfants les plus « difficiles », les transferts multiples, le délaissement des jeunes adultes de 18 ans livrés à eux-mêmes à leur majorité. Un autre rapport de 2019, cette fois-ci parlementaire, évoquait les carences de suivi médical des enfants, notamment ceux qui ont besoin de soins psychiatriques, l’insuffisance de la lutte contre l’échec scolaire, enfin l’absence fréquente de « projet pour l’enfant », dont la définition est pourtant, selon les textes, obligatoire. Les professionnels de l’enfance ont enfin à plusieurs reprises dénoncé dans la presse la saturation des dispositifs d’accueil des enfants en danger et les délais très longs de mise en place des mesures de suivi ordonnées par l’autorité judiciaire en milieu ordinaire.

Face à ces alertes, les pouvoirs publics d’Etat ont agi : ils ont notamment inscrit (ou prévu d’inscrire en 2020) dans la contractualisation avec l’Etat la préoccupation de suivi des jeunes majeurs ou le maintien de l’activité de PMI. Ce sont en effet les départements qui sont juridiquement responsables de la protection de l’enfance. Au-delà, l’Etat a souhaité publier une stratégie d’ensemble, considérant que le sujet relevait aussi du « régalien » et qu’il ne pouvait s’en désintéresser. La Stratégie n’est pas inintéressante. Parmi les « engagements » pris, elle prévoit une intervention la plus précoce possible : ainsi, l’entretien prénatal, qui ne concerne aujourd’hui que les situations à risque, ferait partie désormais des consultations prénatales obligatoires et 100 % des enfants devraient bénéficier du bilan de santé des 3-4 ans réalisé en maternelle par la PMI, dont les visites à domicile devraient doubler. Le second engagement porte sur la « sécurisation des parcours » des enfants protégés par l’ASE : établissement systématique d’un bilan de santé à l’entrée, meilleur suivi des situations de handicap, modernisation des conditions de travail des familles d’accueil. Le troisième engagement renforce les droits des enfants (charte d’accueil, meilleur suivi de la scolarité) et le quatrième tend à faciliter l’intégration sociale et professionnelle des jeunes à leur sortie du service. Si le document n’évoque pas certaines difficultés cruciales (la réduction des délais de prise en charge effective des enfants qui ont fait l’objet d’une décision judiciaire, la saturation des accueils), il semble s’attaquer à des difficultés réelles. Mais il s’agit là de déclarations d’intention : certaines actions seront inscrites dans la contractualisation Etat / Départements mais la plupart restent en l’air, soumises au bon vouloir des élus départementaux qui précisément ont depuis des années négligé leur mission. L’Etat prévoit une enveloppe financière modeste (80 millions) mais aucune mesure n’est chiffrée. La stratégie n’a aucun caractère opérationnel, elle attire simplement l’attention des collectivités sur ce qu’elles devraient faire. L’Etat vient d’inventer un nouveau mode d’action, l’incantatoire, sans doute pour ne pas froisser les départements, fort susceptibles sur les critiques qui leur sont adressées. Le risque est que les services de PMI s’affaiblissent encore et que la qualité de la prise en charge des enfants en danger ne s’améliore pas