Vigilance sur le coût du démantèlement nucléaire

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Vigilance sur le coût du démantèlement nucléaire

La Cour des comptes a publié un rapport daté de février 2020, commandé par la Commission des finances du Sénat dans le cadre de la mission confiée au Parlement d’évaluation des politiques publiques, sur « L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires ». Le sujet préoccupe la Cour, qui en a déjà traité dans plusieurs rapports de 2005, 2012, 2014 et 2019. La Cour rappelle que, si la toute première génération d’installations nucléaires est déjà démantelée ou en voie de l’être, les enjeux du démantèlement de la seconde génération (58 réacteurs nucléaires et les installations de gestion du combustible) sont d’une tout autre ampleur. Par ailleurs, les arrêts d’exploitation sont désormais décidés par l’Etat dans le cadre de choix sur le mix énergétique (en vertu de la loi de transition énergétique de 2015 actualisée par la loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019), ce qui change tout.

La Cour examine d’abord le cas de la fermeture de Fessenheim, annoncée dès 2012 et finalement actée par un protocole d’indemnisation passé entre l’Etat et EDF en septembre 2019. Le protocole prévoit la prise en charge des dépenses liées à la fermeture (370 millions d’euros 2019) et une indemnisation pour « bénéfice manqué ». Le démantèlement ne commencera pas toutefois avant plusieurs années (4 à 5 ans selon le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire qui doit valider le processus de démantèlement, lequel donnera lieu ensuite à enquête publique). Sur les dépenses de démantèlement, la Cour juge le contrat trop imprécis sur les justificatifs à fournir ou la vérification de la bonne application de certaines clauses : elle demande un avenant au protocole pour protéger l’Etat. Sur la compensation du bénéfice non réalisé, elle juge excessive l’estimation du préjudice qui court jusqu’en 2041 (comme si la centrale était susceptible de fonctionner à cet horizon) et qui dépend, en tout état de cause, du prix à venir de l’électricité.

Sur les coûts plus généraux de démantèlement, la Cour appelle simplement à la prudence. Elle juge d’abord qu’il faudrait avoir les idées plus claires sur le long terme et la part que le nucléaire occupera dans le mix électrique : elle propose d’allonger la PPE à 15 ans et de préciser la stratégie bas carbone sur ce point. Elle note, en ce qui concerne le premier démantèlement, que les contraintes techniques ont été plus fortes que prévu et que les coûts ont dérivé. Elle rappelle que la loi impose pour les opérations à venir des délais de démantèlement aussi courts que possible et qu’il existe un lien entre les délais, les coûts et une variable mal éclaircie, le niveau d’assainissement des sites : l’ASN le veut « complet » tandis qu’EDF évoque un « assainissement « poussé ». De manière plus précise, le coût actuel estimé (46,4 Mds) ne prend pas assez en compte les aléas et certaines charges de « post-exploitation » et les provisions devraient être ajustées. Enfin, le calendrier du démantèlement devrait sans doute être revu car celui choisi n’est pas le plus probable.

Au final, le rapport est convaincant, tant sur le cas de Fessenheim que sur la question d’ensemble. Il se garde d’être trop technique et de substituer ses propres évaluations aux évaluation actuelles. Il souligne cependant les zones d’ombre et les risques courus. Il met aussi en exergue combien le rôle de l’Etat est difficile : celui-ci a d’autant plus de mal à négocier avec EDF qu’il en est l’actionnaire et l’autorité de tutelle. Mais il faut qu’il se contraigne à mieux  évaluer les pistes que lui propose son exploitant…