Contrôle des investissements étrangers: l’Union réclame davantage

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Contrôle des investissements étrangers: l’Union réclame davantage

En avril 2019, l’Europe s’est dotée d’une procédure de surveillance visant à « filtrer » les investissements étrangers sur son territoire, afin d’examiner le risque potentiel qu’ils pouvaient représenter pour la sécurité ou l’ordre publics. Il s’agissait notamment de porter intérêt aux investissements effectués dans le domaine des infrastructures, de la robotique ou de l’intelligence artificielle et de définir un mécanisme d’alerte lorsque l’investissement envisagé risquait de constituer une menace pour l’Union dans son ensemble ou pour plusieurs Etats membres. Les Etats restaient libres d’autoriser de tels investissements mais l’attitude de la Commission a conduit plusieurs d’entre eux à renforcer leurs règles.

Au demeurant, la Commission européenne, quelques semaines auparavant, avait publié un rapport notant l’augmentation continue de tels investissements : 35 % des actifs de l’Union, 16 millions d’emplois dépendent de propriétaires étrangers. 400 entreprises de l’Union sont ainsi contrôlées par des entreprises publiques d’Etats étrangers. Ce qui peut soulever des interrogations est que la part de la propriété étrangère est élevée dans des secteurs clefs, raffinage du pétrole, produits pharmaceutiques, produits électroniques et optiques, équipements électriques. De même, les investissements d’économies émergentes ont fortement augmenté, notamment en ce qui concerne la Chine (constructions aéronautiques et machines spécialisées) et l’Inde (produits pharmaceutiques). L’étude témoignait d’une méfiance naissante et d’inquiétudes latentes, sans doute justifiées, à l’égard de tels investissements, dans un monde où certains s’efforcent d’acquérir (et de copier) des savoirs et savoir-faire et où certains secteurs stratégiques devraient être mieux protégés d’ingérence étrangère.

Le 25 mars 2020, la Commission a publié des « orientations » tendant à préserver les entreprises et les actifs « critiques »de l’Union dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. Elle insiste ainsi sur les précautions à prendre en ce qui concerne les investissements étrangers dans le domaine de la santé, des biotechnologies et, d’une manière plus générale, de la sécurité publique. Elle rappelle que le filtrage des investissements étrangers est, dans certaines conditions, autorisé par le droit européen, de même que le refus opposé à un investisseur étranger d’acquérir une entreprise. Elle invite tous les pays dotés d’une réglementation en ce sens à l’utiliser pleinement et tous les pays qui n’en sont pas encore dotés à en adopter une.

La France vient précisément de muscler son dispositif en ce domaine. Deux textes, un décret et un arrêté du 31 décembre 2019, étendent le champ des investissements étrangers et le seuil de participation soumis à autorisation. On y trouve l’intelligence artificielle, la cybersécurité, le stockage des données, la cryptologie, l’approvisionnement en eau et en énergie…toute une très longue liste d’activités considérées comme sensibles. La santé publique y est mentionnée mais sans plus de précision, ce qui conduit certains parlementaires à demander, sans doute avec une petite dose de démagogie, que soient explicitement mentionnés tous les équipements qui relèvent d’un état d’urgence sanitaire. En tout état de cause, ce qui est important, c’est la conversion de forces traditionnellement libérales (le Président de la République française, la Commission européenne, le Conseil européen) à la mise en place d’outils de protection des produits, savoirs et technologies considérés comme « stratégiques » avec une définition large de ce terme.