EDF: d’abord le projet d’entreprise ou d’abord la restructuration?

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EDF: d’abord le projet d’entreprise ou d’abord la restructuration?

En novembre 2018, après avoir arrêté les orientations de la future PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie), le gouvernement a demandé à EDF des propositions de restructuration de l’entreprise. Celles-ci ont été présentées aux salariés en juin 2019. Le projet consistait à restructurer l’entreprise en créant trois entités juridiques : une « EDF-bleue » 100 % publique en charge de la production d’électricité nucléaire, une « EDF-verte » ouverte aux capitaux privés qui regrouperait la production d’électricité renouvelable hors hydroélectricité, les réseaux de distribution et la relation avec les clients (particuliers ou entreprises) ainsi que les services (notamment l’activité de conseil en solutions énergétiques), une EDF Azur de nature publique pour l’hydroélectricité. Pour rassurer les organisations syndicales, qui évoquaient le « démantèlement » d’une grande entreprise nationale, le projet a récemment évolué, changeant de nom (il est passé de Hercule à « Grand EDF ») et prévoyant une gouvernance commune et la mobilité des salariés entre les entités.

En juillet dernier, le gouvernement a renoncé, provisoirement sans doute, à cette réforme.

Aucun accord n’a pu être trouvé avec la direction de la concurrence de Bruxelles qui n’accepte le projet que si sont créées des entités indépendantes, afin de renforcer la concurrence dans le domaine de l’énergie, souhaite séparer production et distribution et rechigne à augmenter le prix auquel EDF est obligé de vendre l’électricité nucléaire à ses concurrents.

Les syndicats voient dans la réforme, outre un éclatement de l’entreprise, une privatisation des activités rentables qu’EDF souhaite développer tandis que les écologistes lisent la réforme comme une nationalisation du nucléaire permettant de lui donner un avenir grâce à l’argent public. Les deux analyses sont exactes.

Le renoncement au projet de restructuration empêche de sortir l’entreprise de l’impasse financière dans laquelle elle se trouve, du fait de sa dette, de l’insuffisance de ses ressources et de ses charges futures. Les rapports se sont multipliés depuis des années pour souligner l’incapacité dans laquelle se trouve EDF d’assurer à la fois l’entretien des anciennes centrales dont elle souhaite prolonger l’exploitation, de mener à bien le projet de centrales nouvelles qui sont à l’étude sans être vraiment décidées et de développer parallèlement la production d’énergies renouvelables. L’absence de consensus sur l’avenir du nucléaire complique la donne mais l’annonce d’une éventuelle relance se heurte à la question du coût tout autant qu’aux objections sur la capacité d’EDF à construire à moindre prix un nouveau modèle d’EPR.

Dans la majorité, le débat sur l’énergie du futur n’est pas tranché : à un François Bayrou qui a consacré un des rares rapports du nouveau Commissariat au plan à mettre en garde contre les conséquences financières, techniques voire écologiques des énergies renouvelables et à prôner la relance du nucléaire (Électricité, le devoir de lucidité, mars 2021) s’oppose la ministre de l’écologie qui promeut le choix du 100 % renouvelables. Le Président laisse le débat courir tout en affirmant de temps à autre qu’il est résolument favorable à la construction de nouveaux EPR.

Faut-il restructurer une entreprise sans projet clair pour lui permettre de se positionner sur son avenir ou faut-il définir le projet avant de proposer une restructuration ? C’est sans doute en ces termes qu’il faudrait poser la question : le projet devrait prévaloir sur la logistique. Mais sur ce dossier, la logistique pose des questions sensibles, attachement au modèle des grandes entreprises publiques ou soumission de biens indispensables à une stricte concurrence. L’impasse est complète pour l’instant.